Il y a trente ans, 14 janvier 1970 : La fin de la guerre du Biafra14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a trente ans, 14 janvier 1970 : La fin de la guerre du Biafra

Il y a trente ans, le 14 janvier 1970, le Biafra capitulait à la suite d'une longue et sanglante guerre civile au sein du Nigeria. Ce pays récupérait sa région sécessionniste de l'est, mais au prix de deux ans et demi de guerre et de près de deux millions de morts, du fait des combats, des massacres et surtout de la famine à laquelle avait été réduit le Biafra.

Les images d'enfants squelettiques, que la télévision française montrait à satiété, ont suscité en France à l'époque une indignation " humanitaire ", qui répondait d'abord à un calcul de nos gouvernants. Car cette guerre entre ethnies nigérianes, fruit des divisions léguées par la colonisation, cachait aussi un conflit entre impérialistes anglais et français, pour l'exploitation du pétrole nigérian.

La sécession

Le Nigeria est un des Etats les plus vastes et les plus peuplés d'Afrique noire : 924 000km2 (un peu moins de deux fois la France) et à l'époque 56 millions d'habitants. Ses quelque 250 ethnies se répartissaient majoritairement entre les groupes Haoussa au nord, Yoruba au sud-ouest et Ibo au sud-est. Son accession pacifique à l'indépendance en 1959 était présentée comme un " modèle ", même si la corruption gangrenait le nouvel Etat.

Mais l'impérialisme anglais avait en partant laissé une situation potentiellement explosive. Tout en confiant le pouvoir politique aux clans peuls du nord, il avait favorisé les Ibo. Ceux-ci, non islamisés, avaient été largement convertis et alphabétisés par les missionnaires. L'administration coloniale s'était donc appuyée sur eux. Ils représentaient dans tout le pays la quasi-totalité des fonctionnaires et des commerçants. En outre, c'est dans la région de l'est, majoritairement Ibo, que se situaient les mines de charbon et une partie des ressources pétrolières alors en pleine expansion.

C'est en 1966 que l'opposition entre les trois régions, et les trois groupes ethniques dominants, commença à devenir explosive. Une série de coups d'Etat se soldèrent par des massacres d'Ibo, en particulier dans le nord, et leur fuite en masse vers l'est. En 1967 le général Gowon, qui dirigeait le pays, proposa un découpage administratif qui aurait privé les Ibo du plus gros des recettes pétrolières. Trois jours plus tard, le 30 mai 1967, la région est fit sécession et prit le nom de Biafra, sous la direction de son gouverneur, le colonel Ojukwu.

La guerre

Le Biafra détenait les deux tiers des ressources pétrolières du pays. Il s'empressa de faire main basse sur le dernier tiers, en envahissant la région voisine du centre-ouest. La guerre fut déclenchée par Gowon, le 6 juillet 1967, le jour même où les compagnies Shell-BP et American Overseas annoncèrent leur intention de verser directement à Ojukwu, et non à l'Etat central, les royalties provenant de l'exploitation du pétrole.

Gowon eut le soutien de l'URSS et, après une période d'hésitation, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, formellement neutres. Finalement, les compagnies pétrolières anglaises versèrent à Gowon la totalité des royalties pour 1967.

Le Biafra fut appuyé par la France (d'où vinrent agents secrets et mercenaires) et certains de ses vassaux africains, comme la Côte-d'Ivoire et le Gabon, ainsi que par le Portugal, l'Espagne, l'Afrique du Sud et Israël. Ojukwu se réclamait du " monde libre " et affichait son anticommunisme. De Gaulle se paya le luxe de reconnaître platoniquement le droit du Biafra à l'autodétermination. C'est que Elf aurait bien aimé bénéficier du pactole pétrolier nigérian.

Les divers impérialismes n'intervinrent pas directement, en feignant de voir dans cette guerre une affaire intérieure nigériane. Ils avaient peut-être tiré les leçons de leur intervention désastreuse au Congo ex-belge dans les années précédentes. Ils se contentèrent donc d'armer les deux camps et d'attendre de connaître le vainqueur pour négocier avec lui sur le pétrole.

Très vite le régime de Gowon, appuyé sur un territoire beaucoup plus vaste et peuplé, montra sa supériorité militaire. Le territoire biafrais ne fut bientôt plus qu'un réduit affamé et surpeuplé, semé de camps de réfugiés Ibo. Mais le régime était décidé à tenir jusqu'au bout et les Ibo, pris entre les massacres de l'armée nigériane et la famine, n'avaient guère d'autre choix que de continuer à le soutenir. Il ne céda qu'au bout de 30 mois, au milieu des décombres d'une région et d'un peuple.

Les conséquences du conflit

Le Nigeria, y compris la région de l'ex-Biafra, se releva assez rapidement de la guerre. Le boom pétrolier, qui n'avait pas été pour rien dans le conflit, aida à la récupération économique. Le pétrole représenta vite plus de 95 % des exportations et du budget de l'Etat. Les Ibo, décimés par les combats et la famine, ne semblent pas avoir été particulièrement persécutés après la paix. Gowon tint à préciser qu'il n'y avait ni vainqueurs ni vaincus. Mais l'armée avait gagné et sa dictature opprima également toutes les régions et toutes les ethnies du Nigeria.

Le vrai vainqueur fut finalement l'impérialisme. Car si la victoire de Gowon réunifia de force le pays, elle le laissa divisé et affaibli face aux trusts pétroliers et aux Etats impérialistes. Ce sont ces trusts et ces Etats dont les gouvernements successifs du Nigeria ont représenté les intérêts, bien plus que ceux des populations locales. Quant aux oppositions ethniques, elles sont toujours présentes et constituent toujours un outil possible dont les gouvernants et les impérialistes pourraient se servir, en particulier contre l'importante classe ouvrière nigériane.

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