Emplois-jeunes : Quelle reconversion ?14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Emplois-jeunes : Quelle reconversion ?

Avec près de 65 000 aides-éducateurs, l'Education nationale est l'un des principaux pourvoyeurs d'emplois-jeunes. Claude Allègre souhaite en embaucher seulement 15 000 sur concours. Et les dizaines de milliers d'autres, que faut-il en faire ? Les mettre au chômage au terme de leur contrat d'ici deux ans, l'année même de l'élection présidentielle ? Cela risque de faire désordre. De plus comme les aides-éducateurs ne cotisent pas au régime d'assurance chômage de l'Unedic, l'Etat devrait prendre en charge leurs indemnités (estimées à 8 milliards de francs). Voilà pourquoi Allègre cherche à tout prix à s'en débarrasser et à en faire partir le plus possible vers le privé.

Depuis plusieurs mois, il multiplie courbettes, ronds de jambe et réunions avec les grands patrons pour les inciter, pour limiter la casse, à embaucher quelques milliers d'aides-éducateurs en contrat à durée indéterminée. Allègre et le gouvernement socialiste avec lui cherchent un nouveau stratagème pour sortir avant la présidentielle de l'impasse dans laquelle ils se sont mis en ne prévoyant pas de dispositif de reclassement. Ce qui en dit long sur le mépris qu'ils portent aux jeunes ainsi employés, qui depuis le début s'inquiétaient à juste titre (et s'inquiètent toujours) pour leur avenir.

On ne peut pas dire, pour l'heure, que les patrons ont répondu avec précipitation aux sollicitations du ministère de l'Education nationale. Certes, un accord cadre a été signé, en septembre dernier, avec des grandes entreprises de services (Air France, Accor, Vivendi, Disneyland, Adia-Adecco et Age d'or) qui portent sur 3 600 recrutements. La Fédération du Bâtiment a signé, elle, une convention en octobre portant sur l'embauche de 5 000 d'entre eux. Au total, ce sont 15 000 aides-éducateurs qui pourraient (le conditionnel est de rigueur) ainsi être intégrés dans la fonction publique, 8 000 dans la police et 8 600 dans les entreprises privées. Un peu plus de 33 000 resteraient sur le carreau... et à reclasser ! Que deviendront-ils ? Des chômeurs ?

Rappelons que les emplois-jeunes avaient été créés par Martine Aubry en octobre 1997. A l'époque, elle parlait d'embaucher 700 000 personnes payées à 80 % par l'Etat (350 000 dans le public et autant dans le privé). Les emplois-jeunes du privé ne virent jamais le jour, tandis que ceux du public ne dépassèrent pas les 211 000 (selon les propres statistiques du ministère de l'Emploi). Nous sommes donc bien loin du compte. Allègre expliquait à l'époque, à qui voulait bien l'entendre, sur un ton triomphaliste et arrogant, que son ministère était en pointe dans la lutte contre le chômage et faisait le maximum pour embaucher des emplois-jeunes. Trois ans plus tard, il est toujours en pointe... pour les pousser vers la sortie !

Embauchés essentiellement par l'Etat, les associations et les collectivités locales, les emplois-jeunes ont surtout servi depuis 1997 de bouche-trous pour pallier le manque d'effectif chronique ici et là. Au terme des cinq ans (durée prévue par les contrats), ils devaient trouver du travail. Comment ? Avec quels moyens ? Personne ne le sait, pas même le gouvernement qui n'a rien prévu. Il aurait été bien plus simple dès le départ de créer les réels emplois titulaires qui faisaient (et font toujours) défaut dans tout le secteur public, de l'Education nationale aux Transports en passant par la Santé. Mais cela ne correspondait pas à la politique gouvernementale.

Si le gouvernement se préoccupait réellement de lutter contre le chômage des jeunes, il commencerait par transformer tous les postes d'emplois-jeunes existant au sein de l'Education nationale (qui depuis trois ans sont utiles) en emplois titulaires avec des salaires conséquents. Car ce ne sont pas les besoins qui manquent en personnel enseignant comme en personnel non-enseignant (surveillants, ATOS, infirmières, assistantes sociales). Allègre pourrait très bien passer une convention avec son propre ministère. Rien ne l'interdit. Mais cela n'entre visiblement ni dans ses plans ni dans ceux de Jospin qui, l'un comme l'autre, préfèrent chercher à bricoler un nouveau tour de passe-passe.

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