Caisses de retraite complémentaire : Les syndicats gestionnaires des intérêts patronaux14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Caisses de retraite complémentaire : Les syndicats gestionnaires des intérêts patronaux

Un rapport officiel souligne, ce dont on pouvait se douter, que les sommes prélevées sur les salaires et confiées aux Caisses de retraite complémentaire, plus de 200 milliards de francs au total, sont gérées de façon opaque.

Au passage, l'ensemble des syndicats qui gèrent l'un de ces organismes, la Caisse de retraite interentreprise (CRI), à parité avec les organisations patronales, sont épinglés. CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC se seraient partagé 34 305 000 francs en quatre ans. Il s'agirait de " salaires versés à des permanents syndicaux sous le titre de délégué extérieur ", de " convention d'assistance technique " comportant notamment des pages de publicité facturées par les syndicats, des demandes de remboursement de frais de stages destinés aux dirigeants syndicaux " inexistants pour certains " et qui " s'élèvent jusqu'à 104 435 francs pour un stage de trois jours ".

Voilà qui ressemble en fait aux petites combines très courantes dans la gestion capitaliste, qui respectent une hiérarchie bien établie puisque si les syndicats ont été arrosés au passage, les patrons de l'organisme en question ont commencé par servir leurs propres intérêts. En effet, le président (qui y représente l'organisation patronale, le Medef) ainsi que le directeur général se sont octroyé des rémunérations non négligeables, ce dernier a pu en prime satisfaire sa passion des sports équestres puisque la CRI (autrement dit l'argent des salariés) a servi à acheter quelques chevaux de course.

Dans tout cela, les tribunaux diront la part de ce qui est illégal et celle qui relève de la gestion capitaliste dite normale. La question que l'on peut se poser, et qui n'est pas nouvelle, c'est ce que les syndicats viennent faire dans une telle écurie où le consensus entre ce qu'il est convenu d'appeler les " partenaires sociaux " est la règle, et pas seulement pour les arrangements financiers. Elle l'est aussi pour disposer, sur une bien plus large échelle, d'un partie importante du salaire des travailleurs qui doit, en principe, servir aux retraites, mais est en réalité en grande partie capitalisée pour être orientée vers des placements financiers.

L'administrateur CGT de l'organisme sur la sellette a réagi en déclarant que les résultats de l'enquête visent à " discréditer la gestion des caisses de retraite, la place des représentants salariés " et à " donner une nouvelle occasion aux tenants de la capitalisation et de l'assurance privée de s'attaquer aux droits et aux garanties ". Évidemment, ces gens-là ne se privent pas de le faire. Mais on ne voit pas en quoi la participation des syndicats à la gestion de tels organismes les empêche de nuire. Protége-t-elle les travailleurs contre le détournement d'une partie des salaires destinée en principe à assurer la retraite ? En aucune façon. Déjà à l'heure actuelle, les organismes qui gèrent les mutuelles complémentaires ne se contentent pas d'avoir aussi la main sur certaines mutuelles et d'acheter des chevaux de courses, elles gèrent des fonds de pensions destinés aux salariés les mieux payés, leur servant une retraite plus confortable (du moins jusqu'au prochain effondrement de la Bourse). En réalité, les mêmes dirigeants syndicaux qui dénoncent les attaques contre la retraite par répartition sont déjà impliqués dans la gestion paritaire des fonds de pension que gèrent les organismes de retraite complémentaire.

Le gouvernement parle aujourd'hui d'introduire une réforme de la retraite qui se traduira d'une manière ou d'une autre par de nouveaux sacrifices pour la grande majorité des retraités et des futurs retraités, tandis que la minorité la mieux payée serait incitée à placer une partie de son salaire dans la spéculation. Face à ces mauvais coups qui se trament, les administrateurs qui gèrent les caisses de retraite seront dans le meilleur des cas impuissants, dans le pire complices.

Que les syndicats s'intègrent toujours davantage dans des organismes de gestion de l'Etat qui défendent les intérêts des capitalistes, ce n'est pas nouveau, l'affaire de la CRI n'en est qu'une illustration supplémentaire. La défense des intérêts des travailleurs ne peut en aucune façon passer par cette cogestion, mais bien par la lutte de classe, que mènent d'ailleurs au jour le jour des centaines de milliers de militants syndicaux. Pour eux la gestion paritaire n'est pas une aide, mais une entrave à l'action, car elle peut laisser l'illusion qu'une conciliation serait possible entre les intérêts des salariés et ceux des capitalistes pour des retraites décentes.

De plus en plus - on l'a encore vu au dernier congrès de la CGT - les directions syndicales tendent à s'aligner sur celles qui affichent depuis déjà longtemps une collaboration de classe ouverte avec le patronat. Elles prétendent mener une politique " responsable ", mais qui ne l'est qu'en faveur des intérêts patronaux. Cependant la lutte de classe n'a jamais cessé. Pour la mener, le dévouement de tous ceux qui ont à coeur que les travailleurs aient des moyens de vivre dignes tout au long de leur existence, est la seule arme qui vaille.

Partager