Affaire Ben Barka : 34 ans de secret défense !14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Ben Barka : 34 ans de secret défense !

Le ministère français de la Défense vient d'annoncer qu'il ne s'opposerait pas à une levée partielle du secret sur les documents des services secrets relatifs à l'affaire Ben Barka.

Il aura fallu ainsi 34 ans depuis l'enlèvement de l'opposant de gauche marocain Mehdi Ben Barka pour que, peut-être, un coin du voile soit levé sur le rôle des uns et des autres dans cette mystérieuse disparition.

C'est le 29 octobre 1965 que Ben Barka, alors réfugié politique en France, était enlevé en plein Paris par deux policiers français qui le conduisirent avec un agent du SDECE (services secrets français) en banlieue, dans la villa d'un truand où plusieurs individus les attendaient et prirent en charge le prisonnier. C'est là très probablement que l'opposant fut assassiné. Le corps n'a jamais été retrouvé.

L'affaire fit grand bruit à l'époque parce qu'elle impliquait une collaboration à la fois de policiers français, d'agents des services secrets et de repris de justice avec des tueurs à la solde du roi du Maroc, Hassan II, en particulier son ministre de l'Intérieur de l'époque, le général Oufkir alors présent en France et son bras droit, le commandant Dlimi, chef de la Sûreté nationale marocaine.

Les truands mis en cause dans la séquestration ont tous été liquidés mystérieusement depuis. Il y a bien eu la tenue de deux procès en 1966 et 1967 mais ils n'ont pas permis de savoir précisément ce qui s'était passé : seuls les truands impliqués ainsi que le général Oufkir, lui par contumace, ont été condamnés mais aucun responsable de l'Etat français ne l'a été. Et malgré la demande régulièrement réitérée du fils de Ben Barka pour que toute la lumière soit faite sur le sort réservé à son père, jamais les autorités françaises n'ont accepté jusqu'à maintenant d'ouvrir les archives des services secrets.

Mitterrand, qui avait réclamé à de Gaulle l'établissement de la vérité au lendemain du crime, ne fit rien à ce sujet quand il fut élu. Ainsi en 1982, le dossier transmis à la Justice ne contenait aucune pièce antérieure à l'enlèvement ! Aucun des gouvernements qui se sont succédé n'a cherché vraiment à dévoiler les dessous de cette affaire.

Aujourd'hui qu'Hassan II est mort, que son successeur cherche à donner une image plus respectable de la vie politique marocaine en autorisant par exemple la famille Ben Barka à revenir au Maroc et qu'en France, les hommes politiques cités à propos de l'affaire comme Roger Frey, alors ministre de la Justice ou Jacques Foccart, l'inamovible conseiller du Président pour les affaires africaines ont quitté la scène, on peut envisager d'en savoir un peu plus, officiellement, de la part des services de l'Etat.

Des journalistes d'investigation n'ont heureusement pas compté que sur cette bonne volonté tardive pour enquêter et recueillir les témoignages, et ce qu'on trouvera dans les archives des services secrets ne viendra certainement que confirmer ce dont tout le monde se doute depuis toutes ces années.

Les gouvernements qui se sont succédé de 1965 à aujourd'hui ont montré en tout cas une belle constance pour taire les conditions de cet assassinat politique sur le sol français et en particulier le rôle joué par des services de l'Etat.

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