Lire : La banquise, de J-P Chabrol07/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1643.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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1944, dans un petit village des Cévennes. Une femme entravée est promenée dans une charrette sous les huées, portant au cou une pancarte, " Elle a vendu son cul et son fils aux SS ", avant d'avoir le crâne tondu. Le dernier roman de Jean-Pierre Chabrol, La Banquise, commence sur une de ces ignobles cérémonies, fréquentes à la fin de la guerre et par lesquelles les organisations de la résistance, PCF en tête, prenaient comme boucs émissaires des femmes accusées d'avoir " fauté " avec des Allemands. Elles préféraient cela à s'en prendre aux puissants, aux bourgeois, qui avaient si bien prospéré pendant la guerre et qui allaient continuer à le faire après.

Le roman raconte la vie de cette femme, depuis son enfance jusqu'au lamentable lynchage qu'elle subit. Elle s'appelle Clémence Van Khyse - d'où son surnom de Banquise. Après une enfance terrible dans une famille de paysans cupides et violents, elle décide de partir et de se débrouiller seule. Devenue patronne du bistrot-bureau de tabac du petit village cévenol de Bouscassel, elle gagne peu à peu la considération, puis le respect des habitants qui, au départ, voyaient d'un bien mauvais oeil cette " étrangère ".

Le courage et le caractère indomptable de Clémence ne lui épargnent pas la malchance. Le seul homme qu'elle rencontre est un beau parleur qui l'abandonne au bout de quelques jours, enceinte. Dès lors, toute la vie de la Banquise sera centrée sur son fils, dont elle veut à tout prix faire quelqu'un... sans succès.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, un bataillon allemand occupe Bouscassel. Pour une fois, on a là un roman qui ne tombe pas dans les caricatures : les soldats allemands ne sont pas des barbares mais des paysans bavarois, à qui le régime nazi n'a pas laissé le choix et qui, quant à eux, ne demanderaient qu'à être ailleurs.

Avec une ironie amère et désabusée, Jean-Pierre Chabrol tient visiblement à souligner l'absurdité de la guerre, de toutes les guerres. Lorsque son livre se conclut, les prétendus héros ne sont vraiment pas reluisants et les guerriers désignés marchent au combat à reculons. En fait, tous sont des victimes, au milieu desquelles se détache avec vigueur la silhouette de " la Banquise ".

Un livre dédié par l'auteur " à toutes les femmes indomptables " et qui vaut d'être lu.

Pierre VANDRILLE

La Banquise de Jean-Pierre Chabrol, Presses de la Cité - Pocket. 300 p., 45

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