Grande-Bretagne : Du boeuf gros-sel aux gros sous de la City07/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1643.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Du boeuf gros-sel aux gros sous de la City

La première semaine de décembre a de nouveau été marquée, lors du sommet ministériel d'Helsinki, par l'une de ces querelles dont l'" Union " européenne a le secret. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus de boeuf anglais mais du... beefsteak des financiers londoniens.

Le gouvernement de Londres s'oppose en effet avec véhémence à la généralisation à toute l'Europe d'une taxe de 20 % qui serait prélevée à la source sur les intérêts payés aux détenteurs d'obligations.

Les dirigeants de Bonn, qui sont d'ardents défenseurs de cette généralisation, veulent ainsi réduire le flot régulier de deutsche marks qui quittent l'Allemagne clandestinement pour le Luxembourg afin d'échapper aux rigueurs du fisc.

Les autorités luxembourgeoises ne voient pas la chose d'un bon oeil, bien sûr. Mais elles semblent avoir renoncé à s'y opposer, pensant sans doute qu'il faudra bien y passer par là un jour ou l'autre.

Le gouvernement de Tony Blair, en revanche, ne semble pas vouloir céder. C'est que la City de Londres a beaucoup plus à y perdre que la clientèle des combinards européens. Londres abrite en effet un marché obligataire qui est, de très loin, le plus important d'Europe, avec un montant total s'élevant à 20 000 milliards de francs, c'est-à-dire de l'ordre de trois fois la valeur des actions cotées à la Bourse de Paris. Le gros de ces capitaux sont des dollars (les fameux eurodollars) et Londres est bien placée pour savoir que le succès de la City à attirer ces dollars a commencé précisément en ce jour de 1963 où les autorités américaines instaurèrent une taxe prélevée à la source, sur le revenu des obligations aux Etats-Unis, entraînant ainsi une hémorragie de dollars vers l'Europe, et en particulier vers Londres. Il n'est alors pas difficile d'imaginer qu'une telle hémorragie puisse se produire de nouveau, cette fois-ci hors de Londres, si le filet fiscal s'y resserrait, au grand dam des grandes banques britanniques qui ont construit leur fortune sur cette manne de dollars.

Alors les dirigeants britanniques se plaignent amèrement de la menace que les exigences européennes feraient peser sur la City de Londres. Blair a même le culot de se prévaloir des menaces que cette taxe ferait peser sur l'emploi, lui qui n'a même pas cillé lorsqu'annonçant ses plans d'OPA sur la banque NatWest, Royal Bank of Scotland s'est vantée des 18 000 emplois qu'elle pourrait supprimer pour augmenter les profits de la banque fusionnée.

En arrière-plan, derrière tout cela, il y a en plus l'envie des milieux financiers allemands de prendre à la City, sinon sa place prépondérante sur le plan financier, ce qui serait sans doute difficile dans un avenir proche, du moins une partie de ses activités les plus rentables.

On n'en a pas fini non plus avec le problème incontournable d'une certaine harmonisation fiscale à l'échelle européenne, bien au-delà des profits financiers, condition indispensable à l'intégration réelle du marché européen pour les entreprises. Et il faut s'attendre à bien d'autres affrontements sur ce terrain.

Bref la construction européenne continue et l'Union européenne ressemble toujours autant à un panier de crabes où s'affrontent les intérêts de bourgeoisies rivales.

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