Mondialisation, capitalisme... et calculs politiciens05/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1634.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Mondialisation, capitalisme... et calculs politiciens

Alors qu'à la fin du mois commence un nouveau cycle de négociation sur le commerce international, sous l'égide de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), diverses associations et organisations syndicales et politiques veulent saisir l'occasion pour manifester le 27 novembre contre " la marchandisation du monde " et pour " imposer un contrôle citoyen sur l'OMC ".

Cette institution intergouvernementale, qui réunit des représentants non élus de 130 Etats, échappe effectivement à tout contrôle démocratique. Tout autant il est vrai que les exécutifs ou les parlements nationaux, qui une fois " élus " ne rendent finalement plus de comptes à personne. L'OMC se donne officiellement pour objectif - dans la continuité de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce mis en place à la fin de la deuxième guerre mondiale - de généraliser le " libre-échange " à travers le monde. Derrière cette façade " libérale " se dissimule en fait un organisme permettant aux grandes puissances de marchander entre elles les conditions du commerce international. Cette négociation se fait avant tout sur le dos des exploités du monde entier, en particulier de ceux des pays les plus pauvres.

Lors du prochain cycle de négociation qui va s'ouvrir à Seattle, les Etats-Unis ont bien l'intention de défendre les intérêts de leurs capitalistes et, pour cela, d'obtenir l'ouverture de marchés encore protégés en Europe, notamment ceux relevant du secteur public. Une telle évolution peut avoir des conséquences néfastes pour les travailleurs des secteurs concernés comme, plus généralement, pour les usagers de ces services.

Mais cette évolution est déjà bien entamée, et " la marchandisation du monde " est aussi vieille que le capitalisme. Le développement capitaliste s'est accompagnée depuis le début d'une mondialisation du commerce, des productions et des investissements de capital. Les plus faibles essayant de se protéger de la concurrence des plus forts par des barrières douanières, tandis que ces derniers cherchaient à les abattre. Les barrières douanières ont pris des formes variables et pas seulement celle de droits de douane. Ainsi en est-il par exemple des subventions des différents Etats à leur industrie ou leur agriculture, ou de l'établissement de normes techniques propres à un pays donné.

Les Etats les plus puissants peuvent aussi prêcher d'un côté l'abaissement des barrières douanières dans des secteurs qui les intéressent, et de l'autre au contraire en élever pour faire échapper d'autres activités économiques à la concurrence. C'est encore vrai, au jourd'hui à Seattle. C'est ainsi qu'une des questions posées pour la prochaine réunion de l'OMC concerne la mise sur pied, ou pas, de normes sociales et environnementales s'imposant à tous les pays. En vertu de telles normes, les produits de pays dits " émergents ", comme ceux de l'agriculture ou du textile, pourraient être interdits sur les marchés des pays développés... Au nom bien sûr de " bons sentiments " !

De fait les gouvernements français n'ont jamais été en reste quand il s'est agi, dans l'intérêt des capitalistes français, de supprimer les quelques barrières douanières et institutionnelles mises en place après la guerre afin d'encadrer la concurrence. Ce sont ainsi les gouvernements " socialistes " des années quatre-vingt qui ont procédé au décloisonnement et à la déréglementation (partielle) des marchés financiers et monétaires, au plus grand profit des créanciers de l'Etat. De même, l'Etat français n'a pas attendu les recommandations de l'OMC pour procéder à la privatisation de pans entiers du secteur public. C'est pourquoi une dénonciation de l'OMC ne peut faire l'économie d'une critique tout aussi intransigeante des responsabilités du gouvernement français, sous peine de se transformer en une forme de soutien déguisé à celui-ci.

Pour certains politiciens, comme Chevènement - sans parler de Pasqua ou De Villiers - la critique de l'OMC prend d'ailleurs ouvertement un caractère chauvin. Cette tonalité pourrait aussi être présente lors de la manifestation du 27 novembre, appelée initialement par Attac, la Coordination pour un contrôle citoyen de l'OMC et la Confédération paysanne (José Bové), auquel le Parti Communiste s'est rallié. Celui-ci a d'ailleurs dans sa tradition la défense du " produire français " et s'est maintes fois illustré par sa démagogie nationaliste. La manifestation pourrait ainsi se transformer en démonstration de soutien au gouvernement, dans les négociations qu'il va mener contre ses concurrents. La lutte contre la " macdonalisation du monde " deviendrait alors un moyen de détourner le mécontentement à l'égard des attaques patronales orchestrées par le gouvernement Jospin.

Les travailleurs du monde entier doivent certes lutter pour ne pas faire les frais des marchandages qui se font au nom de la mondialisation. Mais ils doivent également se garder de tirer les marrons du feu pour un groupe ou un autre d'exploiteurs capitalistes. Sous couvert par exemple du " refus de la mal-bouffe " ou même de la " protestation contre les licenciements ", certains partis politiques espèrent bien enrôler les travailleurs au service de capitalistes nationaux, qui ne représentent pas plus leurs intérêts que les brigands de leur espèce opérant à l'échelle internationale et parvenus avant eux en position dominante sur les marchés mondiaux.

Il ne faudrait surtout pas que les travailleurs croient nécessaire pour se défendre, de faire cause commune avec les Etats dans lesquels ils vivent : " Français contre Américains " ne doit pas remplacer travailleurs contre capitalistes.

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