Lire : Les yeux dans les arbres, de Barbara Kingsolver05/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1634.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

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Une famille d'Américains, les parents et leurs quatre filles âgées de cinq à seize ans, s'installent en 1959 en pleine brousse au Congo belge. Le père est un pasteur baptiste complètement illuminé, originaire de Géorgie, qui a fait des pieds et des mains pour obtenir cette mission. Non content d'asservir sa femme et ses filles, il voudrait bien étendre son empire sur les paisibles villageois de Kilanga, où il a installé ses pénates. Mais son opiniâtreté ne se solde que par des échecs tant il se montre imperméable au monde qui l'entoure, incapable de s'intéresser aux autres et de prendre en compte les avertissements de sa famille ou de ses nouveaux voisins. Pour lui, tout est simple : il détient la vérité et incarne le sauveur de tous ces pécheurs récalcitrants. Aussi s'étonne-t-il que les villageois de Kilanga s'opposent si farouchement à son projet de baptême collectif dans un fleuve infesté de crocodiles...

Au travers de ce personnage, toute l'absurdité de la religion est tournée en ridicule avec beaucoup d'humour, mais aussi avec indignation, à propos de l'aveuglement de ce missionnaire et de ses répliques féminines, des religieuses qui " sont tellement patientes. Cela fait des décennies qu'elles prolongent les courtes vies de sous-alimentés, parfaitement habituées à la tragédie qui se déroule autour d'elles. "

Le roman se présente sous la forme d'un journal écrit par la mère et ses filles, chacune racontant sa version des événements.

Barbara Kingsolver a vécu au Congo, où ses parents ont travaillé en tant que personnel de santé, et les situations qu'elle évoque, souvent sur un mode satirique, sonnent juste. Mais dans ce roman, ce qui suscite particulièrement l'intérêt est la générosité et la chaleur humaine avec lesquelles l'auteur nous présente les personnages, ainsi que la façon dont cet écrivain américain dénonce avec virulence les interventions de l'impérialisme américain, notamment pour favoriser l'arrivée au pouvoir de Mobutu. Barbara Kingsolver, qui, dans son avant-propos, tient à remercier Mumia Abu-Jamal, marque nettement le camp qu'elle a choisi, celui des populations africaines. Elle sait nous décrire les difficultés et les souffrances que la population pauvre endure pendant que les occupants de la Maison-Blanche concoctent des plans pour permettre aux trusts américains de continuer à piller ce pays, devenu aujourd'hui le Zaïre.

Annie ROLIN

Les yeux dans les arbres de Barbara Kingsolver, Éditions Rivages, 600 pages, 149 F.

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