Timor : 500 000 morts : la terreur blanche de 196517/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1627.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Timor : 500 000 morts : la terreur blanche de 1965

Le coup d'Etat pro-américain du général Suharto, en 1965, qui écarta du pouvoir le président Soekarno, fut l'" un des pires meurtres de masses du XXe siècle " selon un membre de la CIA. Il se traduisit par l'assassinat de plusieurs centaines de milliers de communistes indonésiens. Certaines estimations vont jusqu'à deux millions de morts. Le Parti Communiste (PKI), l'un des plus puissants du monde, fut littéralement rayé de la carte sans résistance.

En 1945, lors du départ des troupes japonaises vaincues, le leader nationaliste Soekarno proclama l'indépendance, qui ne devint effective qu'après une guerre contre les anciens colonisateurs hollandais lesquels ne voulaient pas lâcher leur proie. Soekarno, à la tête du Parti National Indonésien (PNI) se proclama anti-impérialiste, et fut l'un des chantres du " neutralisme ", qui consistait à louvoyer entre les USA et l'URSS, en essayant de ne s'aligner sur personne et en espérant tirer quelques avantages des deux côtés. La Conférence de Bandoung (une ville d'Indonésie) en 1955 fut le grand moment du neutralisme.

Soekarno reçut le soutien actif du Parti Communiste Indonésien (PKI) qui devint dans les faits un Parti National-bis.

Sur la base d'une politique réformiste et d'union nationale avec la bourgeoisie, le Parti Communiste Indonésien accepta de participer au pouvoir. Il connut alors un développement sans précédent. Entre l'organisation politique proprement dite qui comptait 3,5 millions d'adhérents (sur une population d'une centaine de millions), les divers mouvements de masse de la jeunesse, des femmes, des paysans et des fédérations syndicales ouvrières qui se réclamaient de son idéologie, le PKI regroupait environ 15 millions de personnes. Son influence se fit sentir dans toutes les sphères de la société indonésienne.

Soekarno voulait pourtant rester le maître, en s'appuyant à la fois sur le PKI et sur l'armée, mais il n'y parvint pas, bien qu'il se soit fait nommer président à vie en 1963... Ce fut l'armée, avec dans ses rangs un certain général Suharto, qui rompit l'équilibre.

En 1965, alors que la Guerre Froide durait encore et surtout en pleine période d'intensification de la guerre du Vietnam, l'impérialisme américain décida de ne plus tolérer le " non-alignement " indonésien. Il voulait un pays aligné... sur les USA.

Le secrétaire d'Etat américain, John Foster Dulles, déclara que le problème principal en Indonésie venait du PKI et de son assise de masse dans la paysannerie. L'ambassade des Etats-Unis à Djakarta précisa qu'il n'était pas possible de vaincre le PKI " en ayant recours aux moyens démocratiques ordinaires ".

Le coup d'Etat pro-américain du général Suharto en octobre 1965, prit comme prétexte un complot et une tentative de coup de force communiste. Complot purement imaginaire, le PKI n'ayant d'ailleurs pas préparé la moindre " force " militaire. Il n'avait pas non plus préparé ses militants ni les masses qui lui faisaient confiance, à faire face à un tel coup de force.

L'armée se lança dans une répression sans précédent. Les chefs du PKI furent assassinés les uns après les autres, les militants sans ordres, sans journaux, sans armes, se laissèrent égorger sans résistance.

Bureaux, maisons, commerces soupçonnés d'appartenir à des communistes furent incendiés. L'armée encadra, organisa les manifestations pro-américaines de la petite bourgeoisie estudiantine. Elle manoeuvra également les partis religieux musulmans, dont les troupes devinrent des supplétifs de l'armée dans la chasse aux militants communistes. Les massacres collectifs se succédèrent à un rythme effréné pendant plusieurs semaines. La terreur se propagea dans toutes les îles de l'archipel : Java, Bali, Makassar et Sumatra. A Bali, en une seule expédition, 50 000 personnes soupçonnées d'être communistes furent massacrées. A Sumatra nord, 10 000 autres prisonniers avaient été exterminés sans autre forme de procès. On vit alors des corps flotter dans des rivières par centaines, des milliers d'autres joncher le sol ou s'entasser dans les plantations.

Le PKI était à l'époque aligné sur la Chine, et non sur l'URSS. Il pouvait faire illusion auprès de ceux qui s'imaginaient que la Chine était restée révolutionnaire, contrairement à l'URSS. En réalité la politique du PKI, de collaboration de classe, d'union nationale avec la bourgeoisie, au lieu de renforcer les masses populaires, a livré la classe ouvrière et la paysannerie, pieds et poings liés, à ses bourreaux, sans la préparer au combat.

Quant à Soekarno, devenu une marionnette entre les mains des militaires, il " donna ", quelque temps après, les pleins pouvoirs à Suharto, avant d'être relevé de ses fonctions par le Parlement.

Et depuis lors l'Indonésie a connu l'une des pires dictatures qui soient, dictature dont le génocide des Timorais est une des sanglantes conséquences.

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