Thomson CSF Service Industries à Toulouse est en train de supprimer plus de 600 emplois. Cela se fait méthodiquement, sans bruit, avec la complicité active de certains responsables de la " majorité plurielle " syndicaux et/ou politiques. C'est qu'ici on est en contrée socialiste et pas très loin de Cintegabelle.

Thomson, comme bien d'autres employeurs, utilise une tactique bien rodée. Au départ, il y a le plan dit social décidé par Thomson pour supprimer 3000 emplois au plan national (4000 dans le monde). Mais ici, on ne parle pas de suppressions d'emplois. L'expression est absente de tous les discours publics. Un vrai miracle linguistique. Ici, on " externalise ", un barbarisme qui signifie que l'activité est reprise par d'autres. En fait on partage les effectifs entre des sociétés plus petites, qui, elles, se chargeront des licenciements. Et ce n'est pas un procès d'intention contre Thomson qui a déjà pratiqué la chose. Thomson a créé ainsi la Thomainfor en vendant une partie de l'activité (et des salariés) à une société qui depuis a déposé le bilan en juin 1997. Au final : 300 travailleurs à la rue, mais ce n'est pas Thomson qui a licencié. Ce fut le même scénario pour le secteur Mécanique de Sartrouville cédé au groupe Ballofet.

Aujourd'hui donc, à Thomson Toulouse, l'ensemble des activités est remodelé. Certaines sont cédées à des repreneurs : reprographie, l'atelier de fabrication des CIU (circuits imprimés usinés), l'instrumentation. D'autres activités sont filialisées, c'est-à-dire restent encore Thomson, dans l'attente ou pas d'un repreneur, comme l'atelier de câblage de 129 personnes qui a déjà déménagé en août. D'autres activités enfin sont reprises avec leurs employés par une entreprise extérieure, comme une partie de la maintenance reprise par la société ISIS-MPP qui a repris 16 personnes, avec un statut inférieur bien sûr. Il reste une partie du personnel (135 personnes) qui reste Thomson (CSF-ISM), et qui a déménagé dans un autre local. Mais ceux-là aussi sont inquiets, car cette activité peut être ramenée du jour au lendemain en région parisienne. Thomson est une société spécialiste des déménagements longue distance, qui laissent sur le carreau des dizaines de travailleurs qui ne suivent pas. Il reste aussi plus de 100 employés qui ne sont casés nulle part dans le charcutage savant des patrons de Thomson. Ceux-là sont " gérés " par le Geris, l'antenne ANPE de Thomson. Ils sont sans travail et pour eux c'est la crainte immédiate de passer assez vite et directement de l'antenne à l'ANPE. Comme on le voit, Thomson ne licencie pas, Thomson n'a pas les mains sales, Thomson externalise... les licenciements.

Tous ces projets complexes ont bien sûr été soumis au Comité d'Entreprise, les responsables CGT et CFDT allant même jusqu'à signer un accord avec la direction pour ce plan. Et au niveau du dernier Comité Central d'Entreprise, là, par contre, ils ont voté contre ! Allez y comprendre quelque chose !

Toujours est-il que c'est par la presse locale qu'on a appris que les responsables syndicaux avaient accepté le " démantèlement ". C'était aussi le jour où les mêmes nous appelaient à " nous battre ". Mais contre quoi ? Contre ce qu'ils avaient accepté ? On commençait à comprendre pourquoi les responsables syndicaux nous dissuadaient, à chaque assemblée générale qu'ils convoquaient, d'aller voir Jospin à Cintegabelle. Tout cela finit par démoraliser tout le monde et en particulier les plus combatifs qui avaient déjà eu du mal à accepter la privatisation de Thomson alors que Jospin, élu local, s'était prononcé vivement contre. Après quelques engueulades avec les responsables syndicaux, ils finirent par ne plus rien faire.

La boucle était bouclée. Thomson avait son charcutage sans licencier directement, les responsables syndicaux avaient " lutté ", et les travailleurs... l'avaient dans le dos, divisés en plusieurs sociétés, à la merci de nouveaux employeurs et de nouvelles menaces sur l'emploi.

Tout le monde l'a très amère. D'autant qu'à Toulouse comme dans la région, la population comme les militants des autres entreprises, personne ne sait que Thomson CSF est en train de supprimer des centaines d'emplois. Même l'immense usine qui reste au Mirail après les tripatouillages Thomson garde l'enseigne " Thomson CSF ". En fait, l'usine sera occupée par 400 travailleurs de la région parisienne (Vélizy et Meudon) de Sextant Avionique, une filiale de Thomson qui va déménager ici.

La direction a, semble-t-il, réussi son coup, en tout cas pour le moment. Mais le déménagement de Sextant Avionique n'est pas encore fait, et dans les nouvelles entités regroupant l'ancien personnel de Thomson, les problèmes sont encore à venir, en tout cas, pour ceux qui n'ont pas pris leur compte. Et si les uns et les autres ont réussi à nous diviser, pour l'instant, " il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ", il peut y avoir des réactions contre ce qui va se tramer dans un avenir proche. Souhaitons que ces réactions imposent l'unité de tous, contre Thomson, sa politique et ceux qui l'ont cautionnée.