Épidémie de sida : L'Afrique malade du profit17/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1627.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Épidémie de sida : L'Afrique malade du profit

Un bilan catastrophique : voilà ce qui ressort de la onzième conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles qui vient de se tenir en Afrique, du 12 au 16 septembre dernier. Tandis que l'épidémie apparaît désormais relativement contrôlée dans les pays riches, la situation ne cesse de se dégrader sur ce continent. 34 millions de personnes y seraient infectées depuis l'apparition du virus il y a quinze ans. 11,5 millions de personnes sont décédées, dont deux millions rien que pour l'année écoulée. Dans quatre pays d'Afrique australe (Botswana, Namibie, Swaziland et Zimbabwe), 20 % de la population adulte est contaminée.

Le représentant de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en charge de l'Afrique estime cette maladie plus dévastatrice que les conflits armés de la région. Il compare ses effets à ceux de la traite des Noirs qui avait décimé les populations africaines à l'aube du capitalisme.

Comme pour indiquer le désintérêt des grandes puissances pour ce fléau, quasiment aucun représentant des gouvernements des Etats les plus riches n'était présent. Une vague sous-secrétaire d'Etat finlandaise représentait l'Union européenne. Et les commentateurs préfèrent s'en prendre aux chefs d'Etat africains pas plus responsables pourtant que les dirigeants des pays riches, et surtout bien plus privés de moyens d'agir.

En décembre 1997, avait bien été lancée l'idée d'un fonds de solidarité thérapeutique international, qui avait donné l'occasion à Chirac et Kouchner de bomber le torse devant les journalistes. Ce fonds n'a guère fait recette. Deux Etats seulement y ont versé quelques fonds (France et Corée du Sud) et il ne sert qu'au Maroc et à la Côte d'Ivoire, ce qui est très insuffisant.

Résultat : l'épidémie s'étend à grande vitesse dans les pays les plus sous-développés de la planète. 95 % des décès pour cause de sida ont lieu dans ces pays pauvres, dont 70 % rien que pour l'Afrique et 83 % pour la seule Afrique sub-saharienne désormais au centre de l'épidémie, une région où 87 % des malades n'ont même pas conscience d'être contaminés. A titre d'exemple, au niveau de la simple prévention, dans les pays de l'Afrique francophone, les publications médicales internationales ne sont pas traduites et encore moins vulgarisées.

Les médecins spécialistes ne peuvent que constater un " manque de volonté politique et économique " : en effet, aucun relais n'est venu des organismes internationaux et des trusts pharmaceutiques. Malheureusement si des médecins se disent " effarés ", cet abandon de l'Afrique est dans la logique d'une société où le profit domine et où finalement seule compte la demande solvable. N'a-t-on pas appris il y a quelques semaines que pour la maladie du sommeil, pour laquelle il existe un traitement efficace, un trust richissime comme HMR (Hoechst-Marion-Roussel) s'est débarrassé de sa fabrication sur le dos de l'OMS parce 150 000 personnes qui en meurent chaque année ne méritaient pas, selon les dirigeants de ce trust, qu'il en poursuive la production, et en se moquant bien que l'OMS n'arrive pas à assurer désormais sa fabrication.

Cette planète regorge de richesses, de moyens. Des progrès immenses ont été faits dans le domaine de la santé, mais le système économique aberrant qui continue de régner constitue le pire des virus. Il ronge tous les pores de cette société et fait planer sur la communauté humaine des menaces monstrueuses. Il devient urgent de l'éradiquer.

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