Dans le monde

Italie : les migrants renvoyés de la Méditerranée au désert

Avec l’accord signé vendredi 31 mars à Rome, le gouvernement italien pense probablement avoir marqué un point décisif pour interrompre le flux des migrants qui, parfois au nombre de plusieurs milliers par jour, arrivent sur ses côtes.

Avec cet accord, la tragédie que vivent les migrants ne cessera pas. Elle sera seulement déplacée plus loin, de la Méditerranée au cœur du désert libyen, là où elle sera moins visible. Pour cela, une véritable conférence s’est tenue au ministère de l’Intérieur italien, non seulement avec un représentant du gouvernement libyen de Fayez al-Sarraj, dont on sait qu’il ne contrôle guère la situation à l’intérieur du pays, mais avec pas moins de soixante représentants des tribus libyennes de l’intérieur.

Ces tribus, les Tebou, les Soulayman et d’autres faisant partie des Touareg, sont celles qui contrôlent actuellement tout le sud de la Libye, à ses frontières avec le Tchad, le Niger et l’Algérie. C’est par là que passent une grande partie des migrants, souvent grâce à des trafiquants qui, contre argent, les transportent par dizaines sur des camions jusqu’à la côte méditerranéenne où ils les livrent à d’autres trafiquants. Le ministre de l’Intérieur italien s’est donc employé à rencontrer les représentants de ces tribus, à les réconcilier, et enfin il a obtenu leur accord pour un contrôle de la frontière sud de la Libye : de concert avec le gouvernement al-Sarraj, elles feront ce qu’il faut pour que les migrants ne passent plus.

Un tel accord avait déjà été conclu entre le gouvernement de Berlusconi et celui de Kadhafi, qui ne reculait pas devant les moyens pour arrêter les migrants. Cette fois, rien n’a été dit sur les contreparties qui ont été offertes au gouvernement d’al-Sarraj et aux représentants des tribus eux-mêmes pour obtenir qu’ils fassent la police aux frontières. On devine bien sûr qu’elles existent. Mais on devine aussi que l’accord ne fera pas baisser le nombre de candidats à l’immigration au Tchad, au Niger ou dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Il rendra simplement leur parcours plus dangereux. Pour beaucoup, il s’arrêtera au milieu du désert et ils n’y auront droit à aucune pitié. Mais, à la différence de ce qui se produit en Méditerranée, on n’en parlera plus car personne ne verra plus émerger leurs cadavres.

Pour arrêter le flux des hommes qui, poussés par la misère, espèrent atteindre leurs côtes, ce n’est décidément pas la honte qui étouffe les dirigeants européens.

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