Dans le monde

Grande-Bretagne : Brexit et xénophobie

Le gouvernement de Theresa May a finalement réussi à obtenir l’aval du Parlement pour que la Grande-Bretagne se retire de l’Union européenne (UE). Sauf coup de théâtre, les deux années de marchandages prévues par le traité de Lisbonne pour définir les relations futures de la Grande-Bretagne avec l’UE devraient donc débuter à la fin mars.

Cela ne s’est pas fait sans mal. Sur ordre de la Cour suprême, May a dû en passer par un débat public au Parlement, ce qu’elle avait cherché en vain à éviter. Non pas qu’elle ait eu à craindre le vote des députés, après la décision du leader travailliste Jeremy Corbyn de « ne pas faire obstacle » au Brexit par « respect pour la volonté du peuple ». Néanmoins, May redoutait que ce débat public souligne les âpres divisions que suscite le Brexit dans la classe politique, jusque et y compris au sein de son propre Parti conservateur, tout en soulevant des questions embarrassantes quant à ses conséquences. Et cela n’a pas manqué.

Difficultés au Parlement

Ainsi, le parti nationaliste écossais SNP a profité de l’occasion pour exiger la tenue d’un deuxième référendum sur l’indépendance écossaise, au motif que le vote contre le Brexit avait été largement majoritaire en Écosse. Et cette fois, évidemment, la réaction furieuse de May, accusant le SNP d’affaiblir la Grande-Bretagne dans ses marchandages avec l’UE, manquait quelque peu de crédibilité.

Mais c’est surtout à la Chambre des lords que les choses se sont corsées : les opposants au Brexit y étant majoritaires, ils ont tenu à se faire entendre.

Cette rébellion symbolique a pris la forme de deux amendements au texte gouvernemental : l’un exigeant que l’issue finale des négociations avec l’UE soit soumise à l’approbation du Parlement ; et l’autre que les droits des 3,2 millions de résidents européens en Grande-Bretagne soient immédiatement garantis. Or l’un et l’autre ne pouvaient qu’affaiblir la position précaire de May dans le bras de fer qu’elle s’apprête à engager. Et, même si elle n’a eu aucun mal à obtenir que ces amendements soient finalement repoussés, les questions qu’ils ont soulevées dans les médias n’arrangent pas May.

Tracasseries xénophobes

En particulier, la multiplication des tracasseries bureaucratiques à l’encontre des ressortissants de l’UE, largement rapportée par la presse à cette occasion, choque bien des gens. C’est ainsi que les postulants au statut de résident permanent – quasiment un droit jusqu’à présent après cinq ans de résidence – doivent désormais remplir un invraisemblable formulaire de 85 pages, où ils doivent apporter les preuves, entre autres choses, du fait qu’ils n’ont jamais bénéficié d’allocations sociales (chômage, allocation familiale ou d’invalidité, allocation logement, etc.), ni de soins médicaux fournis par le Service national de santé (qui sont gratuits pour tous).

Pourtant, les ressortissants de l’UE sont toujours censés bénéficier des mêmes droits sociaux que les citoyens britanniques et rien n’est encore venu dire le contraire dans la loi. Mais qu’importe. Un nombre croissant de postulants se sont vus déboutés : par exemple, des femmes pour avoir bénéficié de congés maternité, ou encore des travailleurs accidentés du travail pour avoir touché des allocations d’invalidité. Pire même, pour toute réponse à leur demande, nombre de postulants ont reçu une lettre comminatoire du ministère de l’Intérieur leur intimant : « Préparez-vous à quitter le pays. » Tel a été le cas de mères de famille, mariées à des Anglais et résidant dans le pays depuis plus de vingt ans, dont le seul crime était d’avoir cessé de travailler pendant quelques années pour élever leurs enfants ou de ne pas disposer d’assurance-maladie privée !

À ce jour, on n’a rapporté aucun cas de citoyen européen qui ait été déporté sur de telles bases. Mais les tracasseries xénophobes sont bien là. Sont-elles l’expression d’une politique délibérée du gouvernement May, préparant à ce que deviendra la Grande-Bretagne après sa sortie de l’UE ? Ou bien reflètent-elles les excès de zèle de bureaucrates qui se sentent renforcés dans leurs préjugés xénophobes par l’atmosphère générale créée par le Brexit ?

Sans doute s’agit-il d’un mélange des deux. Mais cela donne une idée du genre de société que les champions du Brexit préparent, non seulement pour les travailleurs de l’UE en Grande-Bretagne, mais aussi pour les travailleurs britanniques et de toute nationalité. Car ces pratiques discriminatoires xénophobes vont de pair avec un tour de vis général contre les bénéficiaires du système de protection sociale, comme ces handicapés que May cherche à priver par tous les moyens de leurs allocations.

Pour les communistes révolutionnaires, la classe ouvrière est une et indivisible, quelles que soient les divisions artificielles, nationales ou autres, que la société capitaliste crée dans ses rangs. Face aux attaques qui la visent, elle ne dispose que d’une seule réponse efficace : en mobilisant l’ensemble de ses forces, par-delà les divisions qu’on veut lui imposer.

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