La révolution dans l’armée08/03/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/03/2536.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

1917 : la révolution russe au fil des semaines

La révolution dans l’armée

La révolution, victorieuse à Petrograd le 27 février (12 mars) 1917, ne mit pas longtemps à toucher le front, où l’armée russe piétinait depuis trois ans face à l’armée allemande. Un soldat raconte un des multiples meetings tenus à l’annonce de la révolution :

« Quand tous ont eu fait silence et formé les rangs, le premier orateur des délégués ouvriers et soldats à prendre la parole a été le camarade Kossouraïev, de la 9e compagnie, qui a fait un discours enflammé, expliquant pourquoi et en l’honneur de quoi nous étions venus ici : “Pour fêter la liberté de notre Russie, honorer la mémoire de nos camarades tombés pour la liberté et pour ne pas oublier ceux qui sont enfermés dans les prisons dont les murs suintent de saleté.” Son discours a été prononcé avec une telle émotion que personne ne pouvait retenir ses larmes. »

« Après lui est intervenu le deuxième orateur, Tsiglov, qui a exprimé nos besoins, nos souffrances et a décrit les punitions venant de nos chefs qui se comportaient de façon si révoltante. À entendre un discours si beau, chaque soldat en avait l’âme retournée, tous avaient le visage en larmes. »

« On avait envie de dire : “Voilà comment vous, scélérats que vous êtes, vous vous comportiez avec nous les soldats. Maintenant, regardez-nous les yeux dans les yeux. Qui de nous avait raison, qui était coupable ? Vous buviez notre sang, vous nous forciez à appeler blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc, mais le noir s’est levé devant les yeux des soldats, il s’est transformé en blanc, puis en rouge et soudain tout s’est obscurci comme dans l’épaisseur mortelle de la nuit !” Nos soldats ne laissaient pas parler les officiers parce que ceux-ci avaient tous les torts et se taisaient, tandis que les soldats faisaient connaître tout ce qu’ils ne pouvaient retenir des douleurs accumulées ces derniers temps. »

Au front, des soviets de soldats se constituent. Dans les villes, les soldats siègent aux côtés des ouvriers dans les soviets. Sous leur dictée, le 1er mars, le soviet de Petrograd adopte le prikaze (ou ordre) N°1. Le texte prévoit l’élection dans toutes les unités d’un « comité de représentants parmi les simples soldats ». Il précise :

« Dans tous ses actes politiques, l’unité militaire obéit au soviet de députés ouvriers et soldats, et à ses comités.

- Les armes de tout genre (…) doivent se trouver à la disposition et sous le contrôle des comités (…), et ne seront en aucun cas délivrées aux officiers, même s’ils en faisaient sommation.

- En dehors du service et du rang, dans leur vie politique, civique et privée, les soldats ne sauraient être lésés dans les droits dont jouissent tous les citoyens. Notamment le garde-à-vous au passage d’un supérieur et le salut militaire obligatoire sont abolis hors service.

- De même sont supprimées les formules décernées aux officiers : Votre Excellence, Votre Noblesse, etc.

- Les mauvais traitements de gradés de toute sorte à l’égard des soldats, et le tutoiement, sont interdits. »

C’était la traduction spectaculaire, jusqu’au front, du fait qu’en ce printemps 1917, de tous les pays belligérants, la Russie était devenue, selon l’expression de Lénine, « le plus libre du monde ». Les soldats, organisés dans leurs soviets ou comités, commandaient désormais aux officiers. En pleine guerre, c’était bien la révolution à l’armée !

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