Leur société

Vallée de l’Arve : la pollution atteint des sommets

Chaque hiver, la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, arrive en tête des bulletins nationaux sur la mauvaise qualité de l’air. Dans la commune de Passy, au pied du Mont-Blanc, par exemple, les jours de pollution peuvent atteindre le double de ceux que subit Paris ! Cet hiver est particulièrement désastreux en termes de pollution dans nombre d’endroits en France. Mais ici, c’est aggravé par le relief de cette vallée encaissée, où le phénomène d’inversion thermique agit comme un couvercle bloquant l’air pollué, dans une vallée où vivent 155 000 habitants.

Les polluants et leurs origines sont bien connus. Pour les oxydes d’azote, c’est clairement le trafic routier qui en est la cause. Il est particulièrement important, non seulement parce que l’autoroute qui suit toute la vallée est un axe de communication majeur avec l’Italie par le tunnel du Mont-Blanc, mais aussi parce que tout le bassin de Cluses-Bonneville est fortement industrialisé autour des usines de décolletage qui travaillent en flux tendu avec toute l’industrie européenne, particulièrement l’automobile. Pour ce qui est des particules fines (PM 10, PM 2-5), les chauffages au bois sont responsables de 60 à 80 % des émissions, mais les transports routiers en produisent de 20 à 30 %, l’industrie assurant le reste.

Pendant longtemps, les notables et les autorités locales sont restés dans le laxisme le plus complet, voire le déni affiché. En effet, pour eux, mettre le problème sur la place publique, cela veut dire ternir la belle image de carte postale de la Haute-Savoie et donc tout ce que le tourisme mais aussi l’immobilier génèrent comme profits autour de stations aussi huppées que Chamonix, Saint-Gervais, Megève, Combloux. C’est seulement en 2013 qu’un Plan de protection de l’atmosphère (PPA) a fini par être élaboré, mais tellement timoré qu’il est aujourd’hui sans impact. Ainsi, une aide de 1 000 euros (sans conditions de revenus) a été instituée pour que les particuliers puissent changer leur appareil de chauffage ; mais seulement un millier de ménages sur 19 000 ont bénéficié de cette mesure depuis son instauration. Rien d’étonnant car, pour s’équiper d’une chaudière-bois performante, ce qui veut souvent dire refaire toute l’installation de sa maison, la facture peut aller de 5 000 à 30 000 euros : impossible pour les familles populaires, qui justement veulent rester au bois parce qu’il est économique. Quant aux riches propriétaires de luxueux chalets, ce n’est pas un cadeau de plus qui les fera renoncer à une belle flambée dans leur splendide cheminée à foyer ouvert !

Il y a eu également cet hiver quelques timides restrictions au trafic des poids-lourds, surtout pour tenter de calmer la population qui manifestait à Sallanches, Chamonix, etc., mais rien qui remette en cause le passage de 1 500 camions en moyenne journalière par l’autoroute et le tunnel du Mont-Blanc. Le transfert du fret vers le rail reste bon pour les discours, d’autant plus que l’État lui-même, à travers la SNCF, a poussé au démantèlement du fret ferroviaire. Les capacités actuelles de l’autoroute ferroviaire alpine par la vallée de la Maurienne entre la France et l’Italie ne sont pas utilisées pleinement. Quant à la ligne SNCF desservant la vallée de l’Arve jusqu’à Saint-Gervais-Le Fayet, elle est à voie unique et sans investissements depuis des décennies.

Reste également posée la nécessité de transports en commun efficaces, jamais développés par les responsables locaux, ce qui rend la voiture incontournable pour aller au travail. Ces mêmes élus locaux, au travers de plans d’urbanismes laxistes, ont favorisé l’habitat dispersé car cela permettait aux propriétaires fonciers et aux sociétés immobilières de prospérer. La flambée des prix a été telle que bon nombre de jeunes Chamoniards, ne trouvant plus le moyen de se loger sur place, doivent aller habiter à des dizaines de kilomètres. Ainsi, pour aller travailler, l’automobile est indispensable.

Au pays du Mont-Blanc aussi, la loi du fric atteint des sommets !

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