Autriche : élections et danger d’extrême droite07/12/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/12/p9_affiche_Hofer_C_LO.JPG.420x236_q85_box-0%2C173%2C450%2C427_crop_detail.jpg

Dans le monde

Autriche : élections et danger d’extrême droite

L’écologiste Alexander Van der Bellen a remporté l’élection présidentielle autrichienne du 4 décembre, avec 53,8 % des voix contre 46,2 % pour le candidat du parti d’extrême droite FPÖ, Norbert Hofer.

Illustration - élections et danger d’extrême droite

Lors du premier tour, le 24 avril, Norbert Hofer était arrivé largement en tête avec 35,1 %, tandis que les candidats des partis social-démocrate et chrétien-conservateur, qui sont au pouvoir ensemble depuis 2007, avaient été éliminés avec seulement 11 % des suffrages chacun. Un second tour avait déjà eu lieu en mai, au cours duquel Alexander Van der Bellen l’avait emporté, avec seulement 31 000 voix d’avance sur Norbert Hofer. Mais, après un recours de ce dernier, ce scrutin avait été annulé à cause d’irrégularités mineures.

Cette fois, l’avance de Van der Bellen est nette, puisqu’il obtient environ 350 000 voix de plus que son adversaire, sur 4,75 millions de suffrages exprimés. Par rapport à mai dernier, la participation a un peu augmenté, passant de 72,7 % à 74,2 %. La majorité des nouveaux votants a choisi Van der Bellen, qui a fédéré sur son nom tous ceux qui ne voulaient pas d’un président d’extrême droite, y compris parmi l’électorat de la droite traditionnelle. Dans le même temps Hofer a perdu des électeurs, qui cette fois ne se sont pas déplacés. Le fait qu’il soit apparu comme un mauvais perdant, en contestant l’élection précédente alors qu’il se présente comme un partisan de l’ordre, ou encore le tarissement de la vague des migrants dans le pays parce qu’ils sont bloqués aux frontières de l’UE, ont sans doute contribué à la baisse de la mobilisation de son électorat, dont les motivations et les préjugés étaient divers.

Contexte réactionnaire

Il reste que le résultat très élevé du FPÖ est le fait majeur de cette élection, qui met le FPÖ en bonne situation pour les prochaines législatives prévues en 2018. Son score s’inscrit dans le contexte général de montée des idées réactionnaires et xénophobes en Europe. Il s’appuie aussi bien sûr sur l’implantation ancienne du FPÖ dans la vie politique du pays. Les résultats traduisent aussi certaines fractures de la société autrichienne. Ainsi toutes les grandes villes et tous les arrondissements de Vienne ont placé Van der Bellen en tête, tandis que Hofer l’a emporté dans la grande majorité des petites villes et des bourgades rurales.

Par ailleurs, deux länder de l’ouest du pays, comme le Tyrol et le Vorarlberg, qui ne sont pas vraiment des régions progressistes mais sont tournés vers l’Europe, car ils vivent en grande partie du tourisme alpin, ont voté nettement contre Hofer et donc pour le candidat issu des Verts, bien que présenté comme ayant un passé gauchiste, car ils voulaient barrer la route à un candidat qui s’est félicité du Brexit et laissait planer des doutes sur son intention d’organiser un Öxit. À l’inverse, le Burgenland ou la Styrie, par lesquels sont arrivés en nombre les migrants l’an passé, ont voté massivement pour Hofer, cédant à sa sordide démagogie anti-immigrée. Une de ses dernières provocations avant le scrutin a ainsi été de prétendre qu’aucun musulman n’était prêt à « changer les couches de nos personnes âgées », alors que, comme partout, les maisons de retraite fonctionnent avec nombre d’employées d’origine immigrée et de confession musulmane.

Les femmes tiennent à leurs droits

Autre division notable : selon les sondages effectués à la sortie des urnes, les hommes auraient voté à 56 % pour Hofer, mais les femmes auraient plébiscité Van der Bellen à 62 %. Le soutien de Hofer à Donald Trump, et donc à ses propos sexistes répétés, a certainement contribué à repousser de nombreuses électrices, malgré les cas de viols ou d’agressions sexuelles perpétrés dans l’année écoulée par une toute petite minorité de migrants et que Hofer a utilisés pour présenter tous les migrants comme des violeurs potentiels. Ce vote féminin est sans doute un des seuls éléments positifs de ce scrutin, dans un pays où les femmes ont conquis un certain nombre de droits depuis longtemps. Cela ne résout certes pas tous les problèmes, mais cela a aussi contribué à donner à beaucoup de femmes une certaine conscience de leurs droits. Or le FPÖ est le seul parti à s’être opposé à cela.

Mais, pour les militants qui se placent dans le camp de la classe ouvrière, le plus grave est ce qui se passe dans le monde du travail. 85 % des ouvriers manuels du secteur privé auraient ainsi donné leur voix à Hofer (ils étaient déjà 86 % en mai dernier) et les employés et les salariés du secteur public auraient voté à 60 % pour Van der Bellen. Ce succès du FPÖ auprès d’une partie des travailleurs souligne la désorientation du monde ouvrier. Van der Bellen, avec ses discours sur la réputation de l’Autriche et les préoccupations petites-bourgeoises du milieu qui le soutenait, n’avait rien à dire aux travailleurs. Plus profondément, c’est le discrédit de la social-démocratie, qui participe depuis si longtemps à la gestion des affaires de la bourgeoisie, qui a permis au FPÖ, créé à l’origine par des anciens nazis, de se présenter à bon compte comme le défenseur des petites gens et d’exercer une attraction sur les moins conscients et les plus désorientés des travailleurs. Une situation qui ne pourra être surmontée qu’en redonnant vie aux idées communistes et de lutte de classe au sein de la classe ouvrière.

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