Dans les entreprises

Air France : un plan qui ne passe pas

Le dernier plan d’Air France, Trust Together (Avoir confiance tous ensemble), suscite plus que de la méfiance parmi le personnel. Il y a de quoi : des salariés du fret à ceux de la maintenance et des escales en passant par les PNC (hôtesses et stewards) et les pilotes, tous ont de bonnes raisons de se sentir menacés.

un plan qui ne passe pas

Ce plan prévoit de nouvelles réductions d’effectifs, la création d’une compagnie low cost long-courrier à salaires eux aussi low cost, la filialisation de secteurs avec, à la clé, des salaires revus à la baisse, des conditions de travail dégradées pour certains, la mise en concurrence de salariés faisant le même travail pour la même compagnie mais sous des statuts différents.

La DGI, secteur industriel d’Air France, où 8 500 travailleurs assurent la maintenance des avions, à Roissy et Orly-Villeneuve, près de Paris, mais aussi à Toulouse, est promise à une filialisation.

L’exemple que chacun a en tête est celui de Lufthansa Technik, qui entretient les avions de la compagnie allemande, une activité qu’elle a déjà largement filialisée et délocalisée. Or, parmi les 2 000 salariés de la maintenance ayant encore le statut Lufthansa, 700 viennent d’en être privés. La direction d’Air France fait de confortables bénéfices notamment dans le domaine de la maintenance. Mais elle voudrait en faire encore plus et cherche donc à créer une filiale dont les salariés n’auraient ni les salaires ni les conditions de travail maison. Certes, ceux-ci n’ont cessé de se dégrader, avec cinq ans de blocage salarial, des suppressions de jours de congés, la réduction des effectifs alors que la charge de travail augmentait. Mais Air France et ses actionnaires en veulent plus.

Et cette fois, même ceux qui pensaient qu’il fallait faire le dos rond le temps que cela se passe voient bien que cela ne passe pas. Et ils le montrent.

Fin novembre, des réunions syndicales sur le sujet ont inhabituellement rassemblé nombre d’ouvriers et techniciens venus s’informer et dire leur inquiétude : plus de 800 à Roissy, et près d’un millier à Orly-Nord, malgré l’éparpillement des travailleurs et des horaires.

Lors de certaines réunions, des travailleurs demandaient : « Quand est-ce que l’on fait grève ? » Certains chefs, que la direction a informés sur son projet et qui n’ont aucune illusion sur ses buts, ont posé à des travailleurs de leur atelier cette même question sur la grève, avec un ton discrètement encourageant. D’autres ont fait savoir leur écœurement quant à ce plan, quand la société privée chargée de sonder l’opinion du personnel en interne est tombée sur eux.

Et cela n’en reste pas là. Début décembre, des petits mouvements de mécontentement ont spontanément éclaté à Éole (usine de Villeneuve-le-Roi), aux Moteurs d’Orly et de Roissy, de jeunes ouvriers payés guère plus que le smic disant qu’on ne pouvait laisser passer tout cela sans réagir. Des débrayages ont eu lieu lors de la venue de hauts cadres de KLM, compagnie hollandaise associée à Air France, ou pour aller voir des cadres. Quant à l’arrivée du premier Boeing 787 d’Air France à Roissy-CDG, elle a été perturbée : des mécanos de piste se sont mis en ligne au pied de l’avion et, quand la direction en est sortie avec des officiels, ils leur ont ostensiblement tourné le dos en signe de protestation. Cela a offusqué la directrice de la maintenance Air France-KLM, mais elle n’a peut-être encore rien vu. Mardi 6 décembre, craignant des invités surprise, la direction a préféré annuler la réception prévue pour le B787. Bien lui en a pris : 150 travailleurs l’y attendaient pour voir si la direction ne tenterait pas quand même de faire son cirque.

L’intersyndicale appelle les travailleurs de la maintenance à se mobiliser le 15 ou 16 décembre, à l’occasion d’un comité d’entreprise. Ce sera à la veille des vacances scolaires et de la période des fêtes, et certains syndicats ont prévu d’appeler tous ceux qui sont contre la filialisation et ses conséquences sociales à participer à un rassemblement-débrayage d’une heure dès jeudi 8 décembre, sur tous les sites de la maintenance : d’Orly à Toulouse et de Villeneuve à Roissy. À suivre…

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