Policiers mécontents : l’impasse du tout-répressif26/10/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/10/2517.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Policiers mécontents : l’impasse du tout-répressif

Malgré les déclarations de Valls apportant son entier soutien aux policiers qu’il dit comprendre et soutenir, les manifestations se poursuivent depuis le 17 octobre. Plusieurs centaines de policiers ont ainsi défilé dans plusieurs villes, de nuit, parfois cagoulés et parfois avec leurs véhicules de service. De nouveaux rassemblements ont eu lieu les 25 et 26 octobre.

Cette mobilisation partie des fonctionnaires du rang, déclenchée après l’agression de Viry-Châtillon, a surpris jusqu’aux syndicats de police, qui tentent d’en reprendre la direction en proposant marches et rassemblements. Il y a visiblement une colère accumulée face à des moyens matériels obsolètes, des missions de plus en plus lourdes et nombreuses, l’absence de considération de la hiérarchie. De ce point de vue, les policiers du rang ne sont pas mieux traités que le personnel des hôpitaux ou de l’Éducation nationale, en particulier ceux qui travaillent dans les quartiers populaires. Ils subissent eux aussi des économies budgétaires, la course à la productivité et des pressions pour faire du chiffre coûte que coûte.

Une de leurs fonctions étant d’intervenir dans les quartiers meurtris par le chômage et la pauvreté, les policiers se heurtent brutalement, comme les habitants de ces quartiers qui les subissent au quotidien, aux conséquences de ces deux fléaux : la loi des bandes, les trafics petits ou grands et la violence que tout cela génère. En se déchargeant sur eux, l’État les envoie au casse-pipe, sans états d’âme.

Malheureusement, s’ils obtenaient satisfaction à ce qu’ils revendiquent pour la plupart, cela ne résoudrait rien. Assouplir les conditions dans lesquelles ils pourraient faire usage de leurs armes ne ferait que multiplier les bavures. Ce serait engager une fuite en avant qui aggraverait le cercle vicieux de la violence, à l’image de ce qui se passe aux États-Unis. Quant à exiger encore plus de sévérité de la part de la justice, cela augmenterait la surpopulation des prisons sans réduire la délinquance.

La violence est un effet du pourrissement d’une société où les écarts se creusent entre une minorité de plus en plus riche et une majorité qui s’appauvrit. Elle résulte du désespoir face à l’avenir dans lequel est plongée une fraction croissante de la jeunesse, sur fond de recul des organisations ouvrières et des associations de solidarité. Alors, effectivement, les policiers risquent d’être de plus en plus débordés si cette évolution continue.

Tant qu’on n’enrayera pas le chômage, tant qu’on laissera des millions de personnes s’enfoncer dans la pauvreté, c’est-à-dire tant qu’on n’enlèvera pas leur pouvoir aux capitalistes qui suppriment des emplois, la brutalité gangrènera la société. Les gouvernements qui se succèdent au pouvoir agissent dans le même sens en faisant adopter des lois, comme la loi El Khomri, qui facilitent les licenciements et aggravent l’exploitation. Et quand les travailleurs protestent, ils envoient contre eux la police, dont la principale fonction est de maintenir cet ordre social injuste.

Le gouvernement veut se montrer bienveillant à l’égard des policiers qui manifestent sans autorisation et avec leurs véhicules, et reconnaît que leurs revendications sont légitimes. Il a en effet trop besoin d’eux quand ce sont les travailleurs qui défendent leurs emplois ou leurs conditions de travail. Il veut alors que la police et la justice se montrent impitoyables. Mais c’est cela aussi qui alimente l’impopularité dont les policiers se plaignent. Pour en sortir, c’est bien cette société du tout-sécuritaire qu’il faut remettre en cause. Y aura-t-il des policiers pour avoir cette conscience ?

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