Guadeloupe : meurtre d’un lycéen sur fond de délabrement social21/09/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/09/2512.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Guadeloupe : meurtre d’un lycéen sur fond de délabrement social

Mardi 13 septembre, Yohann, un élève du lycée professionnel « Chevalier-de-Saint-Georges », du quartier de Baimbridge près de Pointe-à-Pitre, âgé de 15 ans, a été mortellement touché. L’agression fut commise par un jeune inactif, délinquant, âgé de 15 ans aussi. La rixe mortelle a eu lieu à proximité du lycée, près de la bretelle conduisant à la route de Sainte-Anne-Saint-François où le transport scolaire attend d’habitude les élèves venant de ces communes de Guadeloupe.

L’événement a aussitôt suscité une immense émotion dans toute l’île et encore une semaine après il n’est question que de cela dans toutes les discussions comme dans la presse locale. Car l’événement survient après, et du reste avant aussi, une série d’agressions. La liste des crimes, braquages, vols, viols, kidnappings, n’en finit pas. Les commerçants, dont certains en sont à leur énième braquage, sont excédés.

Vendredi 16 septembre, une marche blanche de 3 000 personnes fut organisée par les professeurs et les autorités scolaires, préfet et proviseurs, avec une majorité d’élèves. Des parents d’élèves, des travailleurs ont aussi tenu à se joindre à cette marche. Des militants de Combat ouvrier, dont certains animent le journal Rebelle, y étaient aussi et ont distribué un tract.

La veillée mortuaire de Yohann, vendredi 16 au soir et son enterrement samedi matin 17 furent suivis par des milliers de personnes à Saint-François. Une nouvelle marche, appelée par un collectif « vigilance citoyenne » et certains intellectuels, était prévue mercredi 21 dans l’après-midi à Pointe-à-Pitre. Les militants de Combat ouvrier et de Rebelle ont décidé de s’y joindre et d’y distribuer leurs tracts respectifs.

Les représentants de l’État, les présidents des assemblées locales, les parlementaires réclament régulièrement plus de policiers et de gendarmes. Ces derniers eux-mêmes déclarent qu’ils n’ont pas suffisamment de moyens pour faire face à l’insécurité grandissante. Soixante-dix gendarmes supplémentaires sont arrivés mardi 19 septembre. Ce n’est pas la première fois que ces renforts sont dépêchés sur les lieux les plus sensibles puis repartent après une mission ponctuelle. Certes, pendant leur présence la délinquance est moindre mais elle n’en finit pas pour autant. Alors, réclamé à grands cris par les principaux dirigeants locaux, Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sera sur place au début octobre, comme si sa seule présence allait changer quelque chose.

Il n’est pas étonnant que toutes les personnalités en vue, dont les présidents des assemblées, députés, sénateurs et chefs de l’école, se soient exprimées jusqu’à présent en se contentant de s’indigner « contre la violence » Les marches sont organisées « contre la violence ». À part les représentants de Rebelle et de Combat ouvrier, personne n’a osé mettre en cause la première des violences qui est le chômage de masse et la précarité. 60 % des jeunes sont inactifs. Cette situation est en très grande partie responsable de la pauvreté et de la délinquance. Et elle s’accompagne d’une dégradation générale et accélérée des services publics. De très nombreuses familles sont privées d’eau courante et régulière depuis des années. Tout se dégrade et donc les femmes et les hommes aussi, surtout dans les milieux populaires. La désespérance augmente toujours plus. À côté de ces jeunes des quartiers pauvres, certains vivent dans le luxe et nourrissent donc d’autant plus les ressentiments de ceux qui sont privés de tout.

Pour changer les choses, il faudrait créer des dizaines de milliers d’emplois immédiatement, en urgence, aux Antilles. Pour ce faire, il faudrait enlever au patronat, aux riches, même une partie de leurs profits et des aides et subventions qui leur sont accordées. Mais cela, seule la force sociale collective des exploités, des travailleurs, des pauvres, des jeunes pourra le faire. C’est le chemin des quarante-quatre jours de grève générale, de manifestations et de révolte populaire de 2009 qu’il faudrait reprendre, en plus grand et mieux encore !

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