Une opération politique sanglante, et des condamnations hypocrites06/01/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/01/2475.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Une opération politique sanglante, et des condamnations hypocrites

Quarante-huit exécutions par décapitation au sabre ou par balles en deux jours : le bilan des mises à mort de condamnés par la dictature saoudienne s’est brutalement envolé. La monarchie réactionnaire, raciste, misogyne, n’a pas hésité à utiliser, pour des raisons de politique intérieure et pour affirmer son rôle dans l’équilibre des puissances régionales, la méthode moyenâgeuse des exécutions spectaculaires ou massives.

Celles-ci ont en effet été effectuées trois jours après l’annonce d’un programme d’austérité et de hausses supérieures à 70 % sur le prix des produits de première nécessité, eau, gaz, électricité, de 40 à 80 % sur les produits pétroliers. Une hausse des tarifs des services publics et la mise en place d’une TVA seraient également prévues.

Les réactions dans l’est du pays, où est regroupée la minorité chiite de la population, ne se sont pas fait attendre, après l’exécution de trois opposants chiites accusés d’avoir participé à des agressions de policiers quelques années auparavant, et surtout du prédicateur chiite connu, le cheikh al-Nimr. Les autres condamnés exécutés, emprisonnés depuis une dizaine d’années, avaient été arrêtés suite à des attentats commis au nom d’al-Qaida. Ils ont payé de leur vie l’opération politique du pouvoir saoudien et sa mise en scène macabre.

Mais, du côté des grandes puissances occidentales, les condamnations à l’encontre de l’allié saoudien ont été plutôt timides. Si, en Suisse, le département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) s’est contenté de convoquer le chargé d’affaires d’Arabie saoudite « pour lui expliquer la position » du pays, le porte-parole du département d’État américain, l’amiral Kirby, a appelé « le gouvernement à respecter les droits de l’homme et à garantir des procès honnêtes ». Il y a là de quoi faire peur aux bourreaux de Riyad ! Le secrétaire d’État britannique chargé du Moyen-Orient a, lui, comme son homologue canadien, exprimé sa « déception à la suite des exécutions de masse » et s’est par contre dit « profondément préoccupé par l’attaque qui s’est produite contre l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran [car] il est essentiel que les missions diplomatiques soient protégées et respectées convenablement ».

Quant à la France, qui cultive l’image de pays des droits de l’homme, son ministère des Affaires étrangères s’est prudemment contenté, un jour après ses homologues, de « déplorer profondément l’exécution ». Il faut dire qu’il y a trois mois, à Riyad, après avoir décroché pour 10 milliards d’euros de contrats dans la défense, la finance, l’agroalimentaire, Valls avait jugé bon de souligner la « convergence de vues entre [les] deux pays sur les principaux dossiers régionaux » ! Une convergence fondée sur quantité d’accords de coopération, d’investissements réciproques et affaires en cours : en 2015, plus de 80 entreprises françaises étaient présentes en Arabie saoudite, dans le domaine de l’eau (Veolia), de la santé (Sanofi), des transports (RATP et Alstom), de l’agroalimentaire, de la banque et de l’assurance (Crédit agricole), du tourisme, de la grande distribution (Carrefour), de l’énergie (GDF Suez) et de la pétrochimie (Total). Les financiers hexagonaux y ont investi plus de 14 milliards d’euros.

Ces déclarations du bout des lèvres, venant au fond de complices de la sauvagerie du régime saoudien, ne risquent pas d’empêcher la famille régnante saoudienne de poursuivre dans la même voie, à commencer par l’exécution d’Ali al-Nimr, le tout jeune neveu du prédicateur chiite, lui aussi menacé de mort. Elles n’empêcheront même pas l’Arabie saoudite de rester à la présidence du groupe consultatif du conseil onusien des Droits de l’homme…

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