Déchéance de la nationalité : pour ne pas parler du vrai problème06/01/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/01/2475.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Déchéance de la nationalité : pour ne pas parler du vrai problème

L’extension de la déchéance de la nationalité aux binationaux nés en France est devenue un des sujets principaux de la politique nationale, depuis son évocation par Hollande devant le Congrès au lendemain des attentats du 13 novembre, en même temps que l’état d’urgence.

Le coup joué par Hollande visait à doubler l’opposition sur sa droite, en lançant au milieu du jeu politicien une mesure tirée de l’idéologie du Front national. À chaud, quand tous les parlementaires de droite et d’extrême droite comme de gauche ne juraient qu’au nom de leur « unité nationale », il s’est trouvé très peu de voix pour dénoncer cette mesure. Maintenant, elle est devenue un casse-tête juridique et politique, pour la droite et la gauche, mais elle anime tout ce landernau politique.

D’abord, dans une partie de l’électorat jusque-là encore fidèle au PS, il y a eu l’écœurement qu’une telle mesure soit proposée par un gouvernement de gauche. Profitant de ce frémissement dans leur camp, les dirigeants frondeurs du PS sont remontés un peu au créneau pour faire entendre leur opposition… très modérée. Christiane Taubira, après avoir annoncé que le gouvernement renoncerait à cette mesure, a dû manger son chapeau en déclarant : « La parole dernière est celle du président. » Quant aux frondeurs, malgré leurs déclarations, il est bien difficile de savoir ce qu’ils feront exactement lors du vote au Congrès.

Jean-Christophe Cambadélis, en bon secrétaire du PS, a trouvé une formule de synthèse, déclarant que la déchéance de la nationalité était discutable parce que ce n’était pas « une valeur […] qui vient de la gauche », mais qu’en même temps elle n’était pas indigne. À la direction du PS et au gouvernement, certains ont donc cherché une mesure alternative comme « la déchéance pour tous » ou encore « l’indignité nationale », qui retire les droits civiques mais pas la nationalité. La mesure proposée à l’Assemblée nationale sera-t-elle un peu, beaucoup ou passionnément réactionnaire ?

Du côté de la droite, le piège tendu par Hollande semble avoir une certaine efficacité pour attiser les divisions à l’approche de la présidentielle. Sarkozy a déclaré qu’il était évidemment pour l’extension de la déchéance nationale aux binationaux et qu’il en attendait plus. Juppé la trouve inutile, mais il demande à ce que les déchéances actuellement possibles soient prononcées en plus grand nombre ! Nadine Morano veut, elle, l’étendre « aux femmes qui portent la burqa ». Un des rares à droite à avoir annoncé qu’il voterait contre, « pour ne pas sauver M. Hollande », est… Patrick Devedjian, qui n’a jamais renié son activisme de jeunesse à l’extrême droite.

Toutes ces rivalités à propos d’une mesure qui est autant symbolique que réactionnaire sont le pendant de l’unanimité de toute cette classe politique, au sein de laquelle personne ne met en cause les politiques d’intervention de l’impérialisme français au Proche-Orient et en Afrique. Les attentats terroristes sont pourtant bien le retour, sur le sol français, de guerres dans lesquelles Hollande a allègrement engagé le pays. Mais il ne faut pas en parler !

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