Dans le monde

Côte d’Ivoire : une grève victorieuse

Dans le dernier numéro de leur journal Le Pouvoir aux travailleurs (20 décembre 2015), nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) relatent la grève des chauffeurs de bus de la Société des transports abidjanais (SOTRA).

Les chauffeurs de la Sotra (transport public) s’étaient mis en grève le 7 décembre. Ils n’avaient pas déposé de préavis de grève, ni même informé préalablement les grands dirigeants des syndicats, de peur d’être sabotés par ceux-là qui sont plus avec les patrons qu’avec eux les travailleurs.

Lors des mouvements précédents, la direction de la Sotra licenciait les grévistes en disant que les procédures n’étaient pas respectées et que le mouvement était illégal. Cette fois cette direction a changé d’attitude car elle a bien vu que les chauffeurs étaient résolus. À peine quelques heures après le déclenchement de la grève, elle a dû recevoir la délégation des grévistes.

Ces travailleurs sont surexploités et font le travail de deux personnes : celui du chauffeur et du receveur dont le poste a été supprimé. Tout le monde peut d’ailleurs voir comment le travail du machiniste de bus est pénible. Ils cuisent dans la chaleur et respirent le mauvais air à longueur de journée. De plus, ils commencent la journée tôt le matin et la terminent tard la nuit. Avec leur maigre revenu, aucun d’entre eux ne peut prétendre habiter Cocody, si ce n’est dans ses bidonvilles. Comme tous les travailleurs du rang qui habitent les bas quartiers, ils subissent l’insécurité ambiante. C’est d’ailleurs les agressions répétées des bandits contre ces travailleurs qui ont été l’étincelle qui a déclenché la grève. Ce sont ces travailleurs-là que la direction de la Sotra a accepté de recevoir parce qu’elle a bien vu qu’ils ne reculeraient pas comme les fois précédentes.

Sur place, leur employeur a accepté de payer les 8 % d’augmentation, avec effet rétroactif depuis le mois de janvier 2015. Ils ont aussi eu gain de cause pour une gratification à hauteur de 150 % du salaire net.

Quant à leurs autres revendications, l’embauche des stagiaires en « formation-emploi », une prime de sécurité de 50 000 Fr, une indemnité de logement de 60 000 Fr, la direction a demandé la mise en place d’un « cadre de discussion ». En clair, cela signifie qu’il leur faudra engager une autre grève bien plus puissante et surtout avec l’ensemble du personnel de la Sotra avant que la direction ne daigne s’y pencher.

Cette grève des chauffeurs montre encore une fois qu’il n’y a que le rapport de forces pour faire plier les employeurs. Ce qui a pesé en faveur des chauffeurs de bus, c’est qu’ils transportent chaque jour des milliers de travailleurs sur leurs lieux de travail. Ce qui veut dire qu’une grève de la Sotra a des conséquences immédiates pour les patrons du port, des banques et des usines, pour ne prendre que ces cas ! La direction de la Sotra, derrière elle sans doute le gouvernement, a donc choisi de céder en partie aux revendications de ces grévistes. D’autant plus rapidement que le gouvernement pouvait craindre une contagion vers d’autres secteurs. En effet, si cette grève durait, elle pouvait être susceptible d’entraîner les travailleurs des autres entreprises, sachant que tous sont aussi concernés par des revendications qui ont des points communs. Une telle grève pouvait risquer de « gâter » leurs fêtes de fin d’année.

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