Chypre : Paradis fiscal... pas pour la population – un nouveau rebondissement de la crise21/03/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2329.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chypre : Paradis fiscal... pas pour la population – un nouveau rebondissement de la crise

Mercredi 20 mars, Hollande a rencontré son homologue chypriote pour, dit l'Élysée, « rechercher une solution à la situation difficile » que connaît Chypre après le rejet du « plan de sauvetage » financier de l'Union européenne par le Parlement de l'île.

Depuis des mois, la population chypriote subit une forte aggravation du chômage et de la chute de ses revenus. L'effondrement des conditions de vie des classes populaires résulte de l'implication des banques locales dans la spéculation sur la dette grecque et surtout des mesures décidées par les gouvernants de l'île pour les sauver de la faillite.

Dès l'annonce du prélèvement de 6,75 % sur les dépôts bancaires que Bruxelles et Nicosie veulent lui imposer, la population a manifesté sa colère. Alors, les autorités auraient-elles renoncé à l'impopularité d'un plan qu'elles présentaient - vieille ficelle de tous les gouvernements - comme celui de la dernière chance ?

En tout cas, d'autres protestations se sont fait entendre, qui ont pesé lourd dans la balance. Celles dont on a le plus parlé émanent des banques, des entreprises, sinon des mafieux de Russie, très présents à Chypre. Se faisant leur porte-parole, le Kremlin a dénoncé la taxe comme « une confiscation de fonds étrangers ». Ceux qui proviennent de Russie sont énormes : 19 milliards de dollars, au bas mot. S'y ajoutent 12 milliards de participations des banques russes dans leurs homologues locales, plus 56 milliards - produits du blanchiment d'argent des mafias, de fonds qu'entreprises et nantis de Russie font fuir de leur pays.

D'ailleurs, Poutine a tout de suite laissé entendre que les autorités chypriotes, et européennes, allaient devoir réviser leur décision, qu'il a dite « injuste, non professionnelle et dangereuse (...) si elle était prise ». De fait, un retrait des fonds russes provoquerait l'effondrement du système bancaire chypriote, dont l'onde de choc, car il ne traite pas qu'avec la Russie, ébranlerait tout le monde financier européen.

Les médias ont insisté sur la présence de fonds russes à Chypre, chose bien commode pour éviter de parler des capitalistes ouest-européens qui profitent des charmes de ce paradis fiscal. Les tabloïds anglais évoquent aussi, pour les défendre, les « petits épargnants » britanniques que « l'Europe spolie ». Plus de 30 000 ont des comptes à Chypre. S'y ajoutent des milliers de retraités anglais vivant là-bas et 3 500 militaires des bases que le Royaume-Uni garde sur l'île depuis l'indépendance de son ex-colonie.

Ce sont tous ces intérêts convergents qui ont fait retoquer le plan initialement prévu.

Les tractations entre financiers, industriels et gouvernants des grandes puissances européennes et de la Russie reprennent donc. Que va-t-il en sortir ? Une chose est sûre : comme pour la super-taxe bancaire repoussée (provisoirement ?), les populations en seront les dernières informées. Et elles seront les premières visées. Car, dans ce nouvel épisode de la crise, ce sont aux classes populaires chypriotes qu'on présente l'addition. Comme à chaque fois.

Commentateurs et politiciens prétendaient récemment qu'on voyait la « fin de la crise » en Grèce. En réalité, après la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, c'est Chypre qu'un système capitaliste lancé dans une folle fuite en avant vient de plonger dans la désolation et le chaos. Avec le risque, chaque fois plus menaçant, d'une réaction en chaîne dévastatrice pour tout le continent européen.

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