Suicide d'un travailleur à Nantes : Patrons coupables, gouvernement complice20/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2325.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Suicide d'un travailleur à Nantes : Patrons coupables, gouvernement complice

Devant l'émotion suscitée par le suicide d'un chômeur en fin de droits qui s'est immolé par le feu devant une agence de Pôle emploi à Nantes, le 13 février, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre du Travail Michel Sapin se sont sentis obligés de faire le déplacement. Après quelques paroles de compassion, ils ont conclu que personne n'était responsable de la mort de ce chômeur.

Les employés de l'agence, prévenus des intentions de ce chômeur désespéré, ainsi que les policiers présents sur place, qui n'ont pas eu le temps d'intervenir, ne sont évidemment pas responsables. Mais on ne saurait en dire autant de l'institution, incapable de répondre aux demandes des chômeurs, ni d'un gouvernement qui s'accommode fort bien d'un système qui broie ainsi les hommes.

La fusion entre l'Anpe et les Assedic qui a abouti à la création de Pôle emploi en 2008 s'est traduite par la perte de 1 800 postes sur trois ans, et les 4 000 agents supplémentaires annoncés par Sapin ne sont en fait que des CDD transformés en CDI ou des redéploiements. Alors que chaque conseiller est censé suivre soixante chômeurs, la moyenne serait d'environ le double et, dans certaines agences, le nombre de dossiers à traiter par personne peut atteindre plusieurs centaines par mois. Comment, dans ces conditions, les agents pourraient-ils avoir le temps simplement d'être humain en s'entretenant avec chaque chômeur qu'ils suivent ? D'autant que la direction de Pôle emploi les pousse à faire du chiffre et à radier le maximum de chômeurs, et que le nombre de chômeurs explose.

Parmi eux, le nombre de chômeurs en fin de droits a bondi de 10 % en 2012, atteignant 98 000 à la fin de l'année. À ceux-là il ne reste que l'Allocation spécifique de solidarité ou le RSA, soit 470 euros mensuels au maximum pour une personne seule, qui ne leur permettent pas de vivre et qu'ils ne touchent qu'après des semaines de démarches semées d'embûches. De quoi effectivement être poussé au désespoir, surtout lorsque Pôle emploi demande en plus le remboursement d'un trop-perçu, comme ce fut le cas à Nantes.

Quant au gouvernement, il n'est pas blanc comme neige, comme voudraient nous le faire croire les ministres. C'est lui qui décide du nombre de salariés affectés à Pôle emploi, qui est une agence d'État, et il refuse d'embaucher les milliers de salariés qui seraient indispensables pour faire face à l'afflux de chômeurs et traiter chaque cas de façon humaine. C'est lui aussi qui décide du montant des allocations de chômage et à quel moment un chômeur n'y a plus droit et, là encore, il refuse de contraindre les patrons à payer pour les dégâts qu'ils commettent, afin de permettre à tout chômeur d'avoir de quoi vivre en attendant de retrouver un travail. Mais par-dessus tout, il ne fait rien pour lutter contre le chômage et laisse les entreprises libres de licencier des milliers de travailleurs comme elles le veulent.

Si les patrons sont coupables d'acculer au désespoir des travailleurs qu'ils ont privés de leur emploi, le gouvernement, lui, est leur complice.

Partager