Martinique : Pour les marins-pêcheurs, la lutte a été payante09/01/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/01/une2319.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Martinique : Pour les marins-pêcheurs, la lutte a été payante

L'article suivant est extrait du numéro du 6 janvier du bimensuel trotskyste antillais Combat Ouvrier.

Après quatorze jours de mobilisation des marins-pêcheurs de Martinique et une dernière journée marathon de réunion avec les élus et parlementaires locaux, un accord a été signé dans la nuit du dimanche 30 au lundi 31 décembre. Les marins-pêcheurs obtiennent donc une aide d'extrême urgence de 3,5 millions, sur les 5 millions d'euros qu'ils demandaient. L'État versera 2 millions, les deux collectivités, Conseil régional et Conseil général, 1 500 000 euros.

Le mouvement, commencé le 17 décembre, était dirigé par une intersyndicale. De nombreux marins-pêcheurs non syndiqués l'ont suivi activement. Après une première mobilisation devant le bâtiment des Affaires maritimes à Fort-de-France, les pêcheurs sont restés mobilisés à partir du 20 décembre sur le port, bloquant les entrées de la Pointe des Grives.

Le facteur déclenchant de leur mobilisation a été l'arrêté pris le 1er décembre 2012 par les services de l'État, qui leur interdit de pêcher la langouste entre la Pointe Caracoli à Trinité et la Pointe Cerisier au François, zone riche en langoustes, pour cause de contamination des crustacés par le chlordécone, un pesticide destiné aux bananeraies, interdit depuis 1993. Cet arrêté avait été pris sans concertation avec les organisations des pêcheurs, suite aux études de l'Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation en mer.

En plus d'aides à la réorganisation de leur profession pour faire face aux pertes subies depuis la pollution des eaux de source et de la mer par le chlordécone, les pêcheurs réclamaient une compensation sous forme d'une aide d'urgence qu'ils évaluent à cinq millions d'euros.

Ils étaient d'autant plus déterminés qu'ils savaient que les responsables de cette pollution, les gros planteurs de bananes et le lobby béké, qui ont utilisé le chlordécone jusqu'en 1993, n'ont pas été pénalisés. Ils ne contribuent même pas au financement des organismes de recherche sur la chlordécone et ses ravages. Pis, ils ont régulièrement reçu des aides, et depuis, bon nombre d'entre eux ont vendu des terres pour des lotissements en en retirant un bon prix. Durant le conflit, ce sont les mêmes qui, à la tête des organisations patronales, ont parlé de la « prise en otage de l'économie martiniquaise ».

Les pêcheurs ont reçu le soutien d'élus, d'organisations syndicales et politiques, dont Combat Ouvrier. Pour beaucoup de gens de la population, il était clair que « les pollueurs devaient être les payeurs » ! C'est aussi ce qu'affirmait l'intersyndicale qui avait apporté son soutien et appelé les travailleurs à la vigilance et à la solidarité.

Lors des premières négociations menées avec le concours des élus locaux, treize points d'une plate-forme en quinze points avaient trouvé des solutions. Restait la question, cruciale pour les pêcheurs, de l'aide d'urgence. Le samedi 29 décembre, l'intersyndicale des marins-pêcheurs a rejeté une première proposition du gouvernement d'un million d'euros, soit moins de 900 euros par pêcheur, jugée méprisante.

Les élus et parlementaires, toutes tendances confondues, se sont attelés à la tâche pour « trouver une porte de sortie à ce conflit » et obliger le gouvernement à revoir sa copie. Ils se sont eux-mêmes portés comme payeurs. L'intersyndicale des marins-pêcheurs a accepté de baisser sa demande, de 5 millions à 3,5 millions, misant sur la suite des discussions portant sur la réorganisation de la filière, prévue dans l'accord qui a été signé.

Même si, cette fois encore, les « pollueurs ne sont pas les payeurs », les marins-pêcheurs sortent de ce conflit la tête haute et quelque peu soulagés quant à l'avenir de leur profession.

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