Espagne : Quand les banquiers jouent avec le feu30/05/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/06/une-2287.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C163%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Espagne : Quand les banquiers jouent avec le feu

Après avoir pris le contrôle de la Bankia, quatrième banque cotée espagnole, via une participation de 4,5 milliards à son capital, pour lui éviter la faillite, l'État espagnol a annoncé moins de quinze jours plus tard qu'il allait devoir y investir 19 milliards d'euros supplémentaires.

En fait, c'est la totalité du système bancaire espagnol qui est sous la menace de la faillite, et pour la même raison : la part des capitaux investis dans les années 1990-2000 dans la spéculation immobilière, secteur englué dans la crise depuis 2008. Les investissements considérés comme « problématiques » des banques et caisses d'épargne -- il s'agit essentiellement des crédits qui risquent de ne pas être remboursés, des stocks d'immeubles et de terrains saisis invendables, qui ne valent plus rien, etc. -- atteignaient au total, selon la Banque d'Espagne, 184 milliards d'euros à la fin de l'année 2011.

Depuis, en raison de l'aggravation de la situation économique, de l'explosion du chômage et de l'effondrement du niveau de vie liés à la multiplication des plans d'austérité, la situation des emprunteurs, entreprises et ménages, n'a cessé de se détériorer et donc celle des banques de se dégrader. Les banques espagnoles ont eu beau emprunter à taux faible des milliards d'euros à la BCE -- elles ont été depuis six mois ses principales clientes -- leur situation a continué à empirer. Le 17 mai, l'agence de notation Moody's dégradait la note de seize d'entre elles.

Le gouvernement espagnol a beau répéter pour rassurer les marchés qu'il n'aura pas besoin de faire appel à l'aide de l'Europe ou du FMI pour sauver ses banques ; il a beau réitérer ses engagements de réduction de déficit et d'endettement, et sa volonté de faire payer la population espagnole, les obligations de l'État espagnol à dix ans dépassent désormais les 6 % sur le marché secondaire. Les banquiers et établissements financiers qui vivent de l'endettement des États doutent de la capacité de l'État espagnol, déjà engagé financièrement dans le soutien à ses régions déficitaires, à faire face à la faillite de son système bancaire. Mais, en lui faisant ainsi payer ses emprunts au prix fort, ils compromettent encore plus la possibilité de l'État espagnol d'y arriver.

Les structures d'aide mises péniblement en place par l'Union européenne pour venir en aide aux États de la zone euro en difficulté, qui interviennent déjà en faveur de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande, n'auraient pas les moyens de faire face à l'effondrement du secteur bancaire espagnol. Pour quelques milliards de revenus supplémentaires soutirés aujourd'hui à l'État espagnol, les banquiers prennent le risque, demain, d'une crise majeure à l'échelle de l'Europe. C'est ce qui s'appelle jouer avec le feu.

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