Dans le monde

Italie : Séisme et crise sociale Beppe Grillo, du comique à la politique

En visite sur les lieux du tremblement de terre qui a secoué l'Émilie dans la nuit du 19 au 20 mai, le Premier ministre italien Mario Monti a dû affronter quelques huées. Les victimes du séisme ont en effet quelques raisons de se méfier de l'avenir et de la façon dont l'État les aidera face à la catastrophe. Les précédents du tremblement de terre de l'Aquila en 2009 ou d'autres plus lointains dont les sinistrés, des années après, attendent toujours la reconstruction, sont là. Pire encore, trois jours avant le séisme, un décret du gouvernement précisait que désormais, les dégâts des calamités naturelles devraient être couverts non plus par l'État, mais par une assurance privée spécifique... que personne évidemment n'avait eu le temps de souscrire.

Mais au-delà du tremblement de terre, les huées qu'a affrontées Monti témoignent aussi du mécontentement qui couve dans la population. Le remplacement de Berlusconi par Monti, fin 2011, avait valu à celui-ci un préjugé favorable, mais qui n'a pas duré bien longtemps. Six mois après, chacun a pu voir que la politique de ce gouvernement dit « technique » se résumait à une nouvelle avalanche de mesures d'austérité, auxquelles s'ajoutent de nouvelles attaques au droit du travail, tandis que la situation économique continue à s'aggraver.

Ainsi, des suicides de travailleurs ou de petits entrepreneurs désespérés par leur situation se sont multipliés et ont fait la Une des journaux. Souvent les petits entrepreneurs en question dénonçaient le fait que l'État ne leur paye pas ses factures, alors qu'il ne tarde jamais à réclamer le paiement des impôts par le biais de l'agence de recouvrement Equitalia, sur laquelle se concentre une véritable haine. Monti a parlé alors de grave tension sociale et même d'un danger de reprise du terrorisme, que l'attentat du 19 mai devant un lycée de Brindisi a semblé illustrer, même s'il est sans doute le fait d'un seul individu.

Ce qui s'est installé est une défiance vis-à-vis de l'État et des politiciens en général. Elle a été nourrie par de nouveaux scandales de corruption, qui ont éclaté concernant le Parti Démocrate ou la Ligue du Nord, ce même parti régionaliste et xénophobe qui avait fait de son slogan contre « Rome, la voleuse » son fonds de commerce électoral. Les résultats du deuxième tour des élections administratives, les 20 et 21 mai, en ont été une confirmation, avec le succès d'un nouveau parti né autour d'une campagne « antipoliticiens » : le mouvement « cinq étoiles » de Beppe Grillo, qui vient notamment d'emporter la mairie de Parme.

Connu comme comique, apprécié notamment à gauche et à l'extrême gauche pour ses spectacles dénonçant les travers du système politique et de ses politiciens, Beppe Grillo a lancé son mouvement il y a quelques années sous le signe des « vaffanculo - days », autrement dit des journées « va te faire enc... », adressé aux politiciens. Mais ce qui allait bien à un comique n'a pas été sans dérapages quand Grillo a voulu en faire une politique, autour d'idées allant de « sortez les sortants » à l'abandon de l'euro, mais aussi prenant position contre le droit du sol et l'attribution de la nationalité italienne aux enfants d'immigrés nés en Italie.

Voila comment le mouvement « cinq étoiles » de Grillo, dit maintenant des « grillini » a réussi à devenir l'expression électorale du rejet des politiciens... et est en train de devenir un tremplin pour les nouveaux aspirants à une carrière politique qui ont senti le bon filon. Dans une ville comme Parme, le candidat qui a lancé la liste « cinq étoiles » a ainsi réussi à se faire élire maire en attirant des voix venant visiblement aussi bien de droite que de gauche.

Le mouvement sera-t-il durable ou ne sera-t-il qu'un de ces météores qui traversent le ciel politique italien ? Le fait est que le vide des partis traditionnels, leur inertie et leur corruption, ont donné vie ces dernières années à de tels phénomènes. De Berlusconi à la Ligue du Nord et à d'autres, ils ont été nombreux à se lancer sur la base d'une démagogie promettant de « rénover la politique »... avant de révéler à leur tour leur vacuité, voire leur cynisme et leurs calculs de bas étage.

Beppe Grillo n'est de ce point de vue que le dernier en date à se faire le support du mécontentement, sans être capable de lui donner un autre contenu que quelques propositions démagogiques et parfois douteuses. Et c'est logique car il ne vient pas à l'idée de ce genre d'ovni politique de s'en prendre au système capitaliste, aux grands patrons et banquiers qui, derrière les politiciens au pouvoir, sont les vrais responsables de la situation de plus en plus dramatique que vivent les classes populaires.

Le plus grave pour celles-ci est bien l'absence d'un parti mettant en avant un véritable programme de lutte contre ce système, un parti qui ne pourrait être qu'un parti ouvrier, communiste et révolutionnaire.

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