Égypte : Référendum constitutionnel, où est le changement ?23/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2225.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Dans le monde

Égypte : Référendum constitutionnel, où est le changement ?

45 millions d'électeurs ont été appelés aux urnes le 19 mars en Égypte, dans le cadre d'un référendum constitutionnel. Il s'agissait, selon le Conseil suprême des forces armées, en principe provisoirement à la tête du pays, d'une étape vers un retour à un gouvernement civil, par le biais de l'organisation d'élections présidentielles et législatives.

Là serait la première étape de la « transition démocratique » promise lors du départ de Moubarak. Une transition qui consiste en fait à changer tout au plus la façade pour que rien ne change en profondeur : ni l'appareil d'État et ses habitudes de répression ni l'exploitation forcenée de la population.

Sur les 18 millions de participants à ce référendum, une grande majorité - 77 % - s'est prononcée pour le « oui », c'est-à-dire pour les huit amendements concoctés par une commission nommée par le Conseil suprême, dont une limitation à deux mandats de quatre ans chacun pour le futur président et un assouplissement des conditions pour être candidat.

Depuis des décennies, ce scrutin semble être le premier à avoir eu lieu sans fraudes massives et autres procédés typiques d'une dictature. Son résultat n'a pas pour autant de quoi réjouir ceux qui espéraient que le départ de Moubarak annoncerait un changement profond. La campagne pour le « oui » a été l'apanage des hommes de l'ancien régime et de la hiérarchie militaire, plus ou moins repeints en gouvernement de transition, ainsi que des Frères musulmans, qui n'ont pas épargné leurs forces pour que le « oui » passe.

Ces derniers peuvent apparaître en position de profiter au mieux, politiquement, d'élections précoces. Contrairement à la plupart des anciens opposants à Moubarak, partisans du « non » - la gauche et les « présidentiables » Amr Moussa, Mohamed ElBaradei et Ayman Nour -, les Frères musulmans bénéficient d'une structure existant de longue date, connue de la population, et d'une réputation « sociale » liée aux manques criants dont la population pauvre a souffert pendant toutes ces années. Leurs militants ont usé de leur influence pour faire voter « oui », distribuant des tracts à la sortie des mosquées, prêchant parfois pour le « oui » comme « obligation religieuse » ou appelant à « résister aux coptes » - qui, eux, étaient censés voter « non ». Les tenants du « oui » mettaient en garde contre toute atteinte à l'article II de la Constitution, intégré en 1971 et posant l'islam à la fois comme religion officielle et comme source principale de la législation.

Les militaires au pouvoir espèrent maintenant que les prochaines élections législatives permettront d'achever cette entreprise de rénovation de façade. Mais il n'est pas certain que les couches populaires, qui se sont mobilisées pour leurs revendications, se laissent aussi facilement tromper.

Ainsi, au lendemain du vote, on a pu constater que la mobilisation pour les revendications ouvrières n'avait pas cessé ; devant le Parlement, plus de 5 000 manifestants étaient rassemblés, dont des ouvriers d'État et des petits paysans, pour dénoncer leurs conditions de travail et la faiblesse de leurs droits. À l'approche des moissons du blé, les ouvriers d'État qui conduisent les machines agricoles - ils sont six mille dans le pays - protestaient contre les salaires extrêmement bas, la précarité de leurs contrats et l'insuffisance de leur assurance en cas d'accident. De son côté, un rassemblement d'handicapés manifestait pour des logements et des emplois.

Ce n'est sans doute là qu'un indice du profond mécontentement social et des revendications qui se développent et qu'il ne sera pas facile de faire taire.

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