Editorial

Préparer le 14 juillet des travailleurs

Malgré tous les discours gouvernementaux sur la nécessité de faire des économies, Sarkozy a maintenu le coûteux défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Élysées, où l'armée française des guerres coloniales perdues paradera en compagnie des armées des dictatures africaines qui veillent là-bas sur le maintien de l'ordre néo-colonial. En maintenant ce défilé, Sarkozy a suivi la pratique de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis que le 14 juillet a été proclamé « fête nationale ».

C'est une tradition d'autant plus curieuse que, lors de la prise de la Bastille, dont on prétend ainsi commémorer l'anniversaire, l'armée n'était évidemment pas du côté des insurgés, mais a ouvert le feu contre eux.

Mais quitte à commémorer, à travers l'anniversaire de cette journée, la vague révolutionnaire qui à partir du printemps 1789 a secoué les campagnes et les villes de France, autant en tirer les vraies leçons.

Les artisans et les ouvriers parisiens qui ont jeté à bas ce symbole de l'oppression avaient pris conscience que, même si la noblesse représentait une riche clientèle, ils pouvaient vivre de leur travail sans faire des courbettes devant ces messieurs.

Dans les campagnes, les paysans avaient pris conscience que c'est eux qui nourrissaient tout le pays, pas les seigneurs, qu'ils pouvaient se passer de ces nobles qui vivaient sur leur dos, et que tous les discours sur le rôle irremplaçable des propriétaires fonciers qui leur donnaient, à ce qu'ils prétendaient, du travail n'étaient que des mensonges éhontés.

Et quand, après la prise de la Bastille, la plupart des nobles prirent un à un le chemin, non pas de la Suisse, mais de Coblence, dans l'Empire germanique, les hommes que la vague révolutionnaire avait portés au pouvoir en France ne tentèrent pas de les faire revenir en leur faisant des concessions, des cadeaux. Ils les exproprièrent purement et simplement, et firent de leurs possessions des « biens nationaux ».

C'est de cela que les travailleurs d'aujourd'hui doivent s'inspirer. Tous les discours sur les patrons qui seraient nécessaires pour « donner du travail » aux ouvriers et aux employés, sur le « il faut bien qu'il y ait des riches » pour que la machine économique puisse fonctionner, ne sont faits que pour justifier l'existence de cette petite couche de parasites qui vivent de l'exploitation de la grande majorité de la population.

Loin de s'atténuer avec le temps, le caractère parasitaire du système capitaliste ne fait que s'aggraver. Même si tous les partis de gouvernement, tous les commentateurs et les économistes au service de la bourgeoisie prétendent qu'il est le meilleur possible. Ils nous mentent.

Les richesses que les possédants retirent de l'exploitation de millions de travailleurs, ils ne les réinvestissent pas dans la production de biens utiles à la population. Ils les jouent au casino de la Bourse, dans des spéculations dont ils espèrent tirer plus de profits, plus vite, prêts pour cela à ruiner la société. Pourquoi y renonceraient-ils, puisque l'État est là pour les soutenir, pour arroser les banques quand la faillite les menace à ce petit jeu, quitte à laisser à l'abandon les services publics, santé, enseignement, transports, pourtant indispensables à la population ?

C'est un système qu'on ne peut ni réguler ni améliorer. Pour le monde du travail, il n'y a pas d'autre voie, pour assurer son avenir et celui de ses enfants, que de se préparer à le mettre à bas, à le remplacer par un système économique qui ne sera pas régi par la course au profit individuel et dont la finalité ne sera pas d'enrichir une petite minorité au détriment de la grande masse de la population, mais de satisfaire les besoins de tous.

Il faut mettre un terme à la véritable dictature que les grands groupes industriels et les banques exercent sur l'économie. Au lieu d'offrir aux banquiers des milliards, il faudra les exproprier, créer une banque centrale unique. Il faudra collectiviser les grands moyens de production et les transports. En un mot, il faudra appliquer le programme que le mouvement socialiste dans ses premières années puis le mouvement communiste au lendemain de la Première Guerre mondiale considéraient à juste titre indispensable pour empêcher l'humanité de sombrer dans la barbarie.

Comme en 1789, ce monde a besoin d'une révolution. Quand se produira-t-elle ? Personne ne peut le prévoir, pas plus que les aristocrates qui s'étourdissaient de fêtes à Versailles n'avaient prévu ce qui allait se passer. Mais elle aura lieu. Parce qu'elle est nécessaire.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 juillet

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