Juillet 1940 : Les parlementaires de la IIIe République votaient les pleins pouvoirs à Pétain14/07/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/07/une2189.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Juillet 1940 : Les parlementaires de la IIIe République votaient les pleins pouvoirs à Pétain

Le 10 juillet 1940, députés et sénateurs rassemblés à Vichy votaient les pleins pouvoirs à Pétain - 569 pour, 80 contre, 17 abstentions. La majorité des députés socialistes et radicaux, élus quatre ans plus tôt, en 1936, sur le programme du Front populaire, donnèrent comme les autres leur caution à ce régime réactionnaire : 84 députés socialistes sur 156 et 63 radicaux sur 113.

Les députés communistes n'étaient pas présents, puisque leur groupe parlementaire avait été dissous en janvier 1940, de même que vingt-sept autres parlementaires embarqués au même moment sur le Massilia pour tenter de constituer un gouvernement en exil en Afrique du Nord.

Ce vote donnant les pleins pouvoirs à Pétain n'était pas un accident, ni une décision prise sous la pression de l'occupation allemande. Il était l'aboutissement de la période de réaction sociale et politique qui avait débuté quelques mois après la fin de la grève générale de 1936.

En effet la bourgeoisie, une fois remise de la peur que lui avait inspirée cette grève, voulut reprendre toutes les conquêtes arrachées par les travailleurs, les mettre au pas, et avec eux l'ensemble de la population.

L'année suivante, le gouvernement de Léon Blum installé en juin 1936 passa la main à des gouvernements dirigés par des membres du Parti Radical, d'abord Chautemps puis en avril 1938, Daladier, ancien dirigeant du Front populaire. Le gouvernement que forma Daladier promulgua dès la mi-novembre 1938 des décrets-lois mettant en pièces les conquêtes de 1936 et s'employa à empêcher toute opposition de s'exprimer. La signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, lui fournit un prétexte pour s'attaquer aux militants du Parti Communiste Français. La dissolution du PCF fut décidée le 26 septembre 1939, 3 400 militants communistes furent arrêtés, enfermés en prison puis envoyés dans les camps. Ceux qui voulaient continuer à militer durent passer dans la clandestinité.

S'aplatissant à chaque étape un peu plus devant les volontés de la bourgeoisie, ce sont ces gouvernements issus du Front populaire qui, bien avant Pétain, brisèrent la résistance de la classe ouvrière, favorisant par la même occasion le renforcement des éléments les plus réactionnaires de la société.

À la mi-mai 1940, neuf mois après la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, les troupes françaises étaient balayées, quelques semaines seulement après les débuts de l'offensive allemande. Une partie importante du territoire se trouva rapidement occupée, les populations s'enfuirent sur les routes de l'exode.

Le gouvernement tenta de se regrouper de plus en plus loin vers le sud, pour finalement aboutir à Bordeaux. La question qui préoccupait alors le plus le pouvoir « républicain », le jésuite et paléontologue Teilhard de Chardin la formula clairement : « Éviterons-nous la révolution ? (.) Tout est possible après un tel choc », écrivit-il le 18 juin. La vague révolutionnaire provoquée par la précédente guerre était encore dans toutes les mémoires.

Finalement, la quasi-totalité du personnel politique de la bourgeoisie française - qui de toute façon dès le début n'avait pas souhaité cette guerre, car la France, avec son immense empire colonial, avait tout à perdre à un repartage du monde - se rallia à l'idée de signer l'armistice avec l'Allemagne. Il fallait que tout rentre dans l'ordre.

C'est pour mettre en ouvre cette solution que le politicien de droite Paul Reynaud, qui avait succédé à Daladier le 21 mars 1940, laissa le 16 juin sa place au maréchal Pétain, par une voie tout à fait légale : deux socialistes entrèrent même dans le gouvernement formé alors par Pétain.

Les parlementaires furent convoqués à Vichy début juillet, Bordeaux occupé ayant dû être abandonné. Et Pétain obtint les pleins pouvoirs le 10. Le personnel politique de cette IIIe République allait au-devant du désir de la bourgeoisie de se préserver des troubles qui auraient pu résulter de la défaite. Pétain put ainsi s'appuyer sur la caution donnée, avec ce vote des pleins pouvoirs, par les députés de la Chambre élue le 26 avril et le 3 mai 1936, celle du Front populaire, et par les sénateurs, droite et gauche mêlées. Il mit alors en place un régime réactionnaire : répression contre les communistes, ou supposés tels, et contre les opposants en général, répression contre les Juifs, révision des naturalisations accordées depuis 1927, exclusion des Juifs et des francs-maçons de la fonction publique. C'était l'ultime étape de la revanche de la droite après 1936.

La grande majorité des hauts fonctionnaires de l'appareil d'État, armée, justice, police, et nombre d'hommes politiques en service sous la IIIe République restèrent en place sous Pétain, puis se maintinrent encore sous De Gaulle, après la guerre. Ainsi Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, qui organisa la déportation de centaines de Juifs, devint après la guerre préfet de police à Paris. À ce titre, il fut responsable du massacre de dizaines de manifestants algériens en octobre 1961 par la police à Paris, et aussi de la répression meurtrière de la manifestation de février 1962 contre l'organisation d'extrême droite OAS. Seize ans plus tard, en 1978, il devenait encore ministre du Budget sous le président de droite Giscard d'Estaing !

Au moment où on nous jette de la poudre aux yeux pour nous convaincre que le choix d'un président est déterminant pour l'avenir, il est utile de se rappeler que, si les chefs d'État passent et les régimes se succèdent, l'appareil d'État et ses hauts fonctionnaires restent et continuent à servir la bourgeoisie, qui détient le vrai pouvoir.

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