À propos des films sur Salengro et Beregovoy : Des ministres socialistes sensibles, mais à quoi ?13/05/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/05/une2128.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

À propos des films sur Salengro et Beregovoy : Des ministres socialistes sensibles, mais à quoi ?

Un film, passé vendredi 1er mai à la télévision, a retracé les dernières années de Pierre Bérégovoy et son suicide, le 1er mai 1993. On y voyait à quel point les ministres socialistes de Mitterrand, non contents de gérer loyalement les affaires de la bourgeoisie comme c'est leur habitude, servaient aussi, bon gré mal gré, les intérêts particuliers d'un certain nombre d'amis du président. En retour ils se voyaient offrir fêtes, vacances, services et argent sonnant et trébuchant.

Le film montre un Bérégovoy étranger à ce milieu corrompu et qui ne cède qu'avec réticence à la tentation. Mais il y cède quand même et accepte un prêt sans intérêt et sans remboursement, en récompense d'un service rendu. Une affaire sans conséquence pour bien d'autres, mais qui survient au mauvais moment pour lui.

Bérégovoy, comme ministre des Finances, de 1988 à 1992, puis comme Premier ministre, de 1992 à 1993, avait mené une politique favorable au grand patronat. On parlait à l'époque de « réconcilier le socialisme avec la Bourse ». Cette politique s'était traduite par une explosion du chômage et le discrédit du gouvernement, le Parti Socialiste perdant des millions de voix et les élections législatives de 1993. Bérégovoy fut alors un bouc émissaire pour ses amis politiques et jugé responsable de cette défaite électorale.

Quant à ses adversaires de droite, ils l'accusèrent d'avoir personnellement conduit le pays au bord de la faillite. L'affaire du prêt, ainsi que quelques autres du même genre, furent utilisées comme prétexte pour orchestrer une véritable campagne contre lui. Le 1er mai 1993, Bérégovoy, que le film montre désespéré et à bout de forces, se tira une balle dans la tête.

Bérégovoy, comme Salengro, un ministre socialiste qui s'était lui aussi suicidé en novembre 1936 à la suite d'une campagne contre lui, et dont la télévision a aussi retracé récemment la fin, ne manquaient pourtant pas de volonté quand il s'agissait de faire face aux travailleurs. On voit dans le film comment Bérégovoy tape du poing sur la table et envoie les blindés contre les routiers, comment il applique sans rechigner une politique qui fait des centaines de milliers de chômeurs. Salengro fit partie du gouvernement de Léon Blum qui, en juin 1936, sauva la mise de la bourgeoisie en canalisant puis en arrêtant la grève générale. En revanche, visiblement, ni l'un ni l'autre n'ont supporté les campagnes de calomnies de la droite. Si être considéré comme des traîtres par des ouvriers qui avaient voté pour eux ne les ébranlait pas, se faire traiter l'un de déserteur, l'autre de prévaricateur par la presse de droite les a désespérés.

Dans l'histoire, la calomnie et l'injure politiques n'ont pas été réservées à ces deux ministres socialistes. Ainsi Lénine fut traité d'agent des Allemands par le gouvernement et tous les bien-pensants russes en juillet 1917, Rosa Luxembourg qualifiée de « Rosa la sanglante » et de femme à abattre en 1918, Trotsky accusé de tous les crimes par les staliniens. Cela ne les ébranla pas.

Un Salengro ou un Bérégovoy en revanche se sont sentis atteints d'abord et surtout par les injures de la droite et des possédants. Et cela, malgré toute la détresse exprimée par leur geste, juge aussi ce qu'ils étaient politiquement.

Partager