Dans le monde

Russie : La démocratie selon Poutine.

Samedi 14 avril à Moscou, et dimanche 15 à Saint-Pétersbourg, la police russe n'a pas fait dans le détail. 9 000 policiers antiémeute, bien plus nombreux que les manifestants moscovites, ont dispersé ou arrêté tous ceux qui auraient voulu participer à un rassemblement de l'Autre Russie, un parti d'opposition. Le lendemain, dans la deuxième ville du pays, les policiers ont agi avec encore plus de violence contre une autre manifestation, elle pourtant autorisée.

Autant dire que les autorités russes considèrent et traitent comme intolérable tout geste public de contestation organisée. À chaque fois, elles font pleuvoir coups, interpellations et amendes. En mars, des " marches " d'opposants s'étaient ainsi soldées par des dizaines d'arrestations à Saint-Pétersbourg et Nijni-Novgorod. Ces dernières années, des manifestations contre la vie chère ou la fermeture de foyers bon marché pour jeunes travailleurs ou étudiants ont été quasi systématiquement interdites, et réprimées à ce titre quand les manifestants passaient outre.

De cela, la population russe ne sait pas grand-chose car les médias nationaux n'en parlent jamais. Car il pourrait leur en coûter d'avoir l'air d'encourager même une faible opposition, quand le pouvoir répète qu'il ne peut pas en exister, sinon à la solde de l'étranger.

Bien sûr, la Russie de Poutine continue à observer certaines apparences démocratiques, comme lors des quinze scrutins régionaux qui viennent d'avoir lieu. Mais le pouvoir s'arrange pour écarter le plus possible de partis, n'en gardant que quatre ou cinq. Les deux principaux, qui encensent Poutine, ont disposé de l'aide des autorités et ont remporté sans surprise les derniers scrutins.

Quant à créer de nouveaux partis, à part ceux que le Kremlin suscite, parfois comme opposition de Sa Majesté, c'est devenu presque impossible. Sans l'appui des autorités, ils ne peuvent de fait pas " s'enregistrer ", condition sine qua non pour éditer un journal légal et participer aux élections.

Et puis, après avoir interdit l'élection des gouverneurs, qui avaient fait de l'ombre à son prédécesseur, et décidé de les nommer lui-même, le président russe a lancé une campagne d'intimidation contre les maires des grandes villes, qui sont encore élus. Le parquet a ouvert des instructions contre une vingtaine d'entre les moins inféodés au Kremlin. À valeur d'avertissement pour tous les autres !

À moins d'un an de l'échéance présidentielle où, en théorie, il ne peut se présenter après deux mandats consécutifs, Poutine apparaît ainsi comme ayant bien en main les cartes de sa propre succession.

Il est vrai que les opposants brutalement dispersés les 14 et 15 avril ne représentent guère une alternative. L'Autre Russie, qui avait appelé à ces manifestations, est un rassemblement hétéroclite. On y trouve, entre autres figures de proue : Kassianov, un Premier ministre que Poutine avait limogé ; Illarionov, un ancien conseiller économique du même Poutine ; Gary Kasparov, ex-champion mondial d'échecs lié à des magnats de l'ère Eltsine ; sans oublier Limonov, le leader du Parti national-bolchevique officiellement dissous, qui pourrait drainer vers ce rassemblement une frange de jeunes, mais qui n'a rien à voir avec la perspective de transformation révolutionnaire de la société que représentait le Parti bolchevique, en son temps.

Mais en réprimant tout ce qui bouge, la police de Poutine ne fait pas que réprimer quelques concurrents lorgnant sa place. C'est toute la population, et en particulier les travailleurs, que l'on veut priver de la possibilité de s'organiser et de s'exprimer pour contester les choix du régime.

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