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Somalie : L’Éthiopie, pompier incendiaire des États-Unis

Mardi 26 décembre, l'armée éthiopienne annonçait s'être emparée de six villes de sa voisine, la Somalie, au cours de l'offensive militaire qu'elle vient de lancer contre les milices de l'Union des tribunaux islamistes (UIC) de Somalie. C'est la réponse de l'Éthiopie, soutenue par les États-Unis, à l'offensive du clan islamiste qui a pris le contrôle des deux tiers de la Somalie depuis cet été.

En accord avec les États-Unis dont elle est ici le fer de lance, l'Éthiopie tente de maintenir en place l'actuel «gouvernement de transition» somalien, le «TFG» selon ses initiales anglaises, en portant un coup d'arrêt à l'offensive militaire des milices islamistes qui s'étaient emparées l'été dernier de la capitale, Mogadiscio, et avaient pris le contrôle du centre et du sud du pays.

L'Éthiopie est d'autant plus intéressée que l'un des objectifs des milices islamistes, comme d'autres gouvernements somaliens dans le passé, est d'élargir le territoire de la Somalie, en tentant de reprendre les régions peuplées de Somalis dont elle a été amputée au moment de l'indépendance en 1960, et dont une se trouve en Éthiopie.

Après le départ des troupes de l'ONU en 1995, la Somalie s'est retrouvée dans le chaos de la guerre des clans, dont les rivalités ont été attisées depuis toujours par les différentes puissances impérialistes intervenant dans la région. En 2004, au terme de deux ans de négociations et d'une «quatorzième conférence de réconciliation nationale» a émergé un parlement somalien... en exil à Nairobi, au Kenya, tant la situation est difficile en Somalie même. De ce parlement à la représentativité discutable a émergé un gouvernement de transition, censé mettre fin à la guerre civile. Il n'y est pas parvenu et la Somalie reste sous la coupe des chefs de guerre. Ce sont les milices islamistes qui, sur le terrain, ont écarté ceux-ci et ramené un certain ordre dans les régions dont elles ont pris le contrôle, notamment la capitale somalienne, fragilisant du même coup le gouvernement officiel.

L'intégrisme affiché de ces milices islamistes préoccupe Washington, qui les accuse d'avoir des liens avec Al Qaïda. En donnant le feu vert aux troupes éthiopiennes pour tenter de contrecarrer l'influence des islamistes dans la région, l'administration américaine, déjà embourbée en Irak et en Afghanistan, et qui doit se souvenir que son intervention en Somalie en 1992 s'était achevée dans un fiasco, préfère visiblement que des supplétifs éthiopiens agissent à la place de son armée engagée sur d'autres fronts.

Mais rien ne dit que les troupes éthiopiennes, qui paraissent pour le moment dominer la situation, parviennent à un meilleur résultat. Les États-Unis sont bien placés pour savoir que la supériorité militaire ne suffit pas pour occuper le terrain sans problèmes.

En encourageant l'intervention militaire éthiopienne, loin de calmer le jeu, les États-Unis pourraient bien avoir allumé un nouveau feu dans la Corne de l'Afrique, ce qui aura pour conséquence immédiate, comme en Afghanistan ou en Irak, d'aggraver encore la misère de populations déjà parmi les plus pauvres du monde. Mais de cela, les grandes puissances n'en ont cure.

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