Leur société

La retraite des cheminots : De la propagande à la réalité

Sous prétexte d'égalité, la propagande visant à amener l'ensemble des salariés à 40 ans minimum de cotisations avant de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein alimente la mise en accusation de tous les régimes spéciaux. À l'EDF-GDF, les salariés sont mobilisés contre les projets en cours de leur direction, appuyée par le gouvernement. À la SNCF, les cheminots se sont réjouis du résultat du référendum à l'EDF-GDF, car ils savent que le gouvernement prépare aussi une attaque en règle contre leur système de retraite... et eux non plus n'ont pas l'intention de laisser faire. Non pas parce que leur système est mirobolant, mais parce qu'ils ne veulent pas qu'il empire. Car il faut vraiment l'aplomb et l'arrogance d'un Raffarin pour présenter les régimes spéciaux de retraite, dont celui existant à la SNCF, comme des privilèges.

Il n'est certes pas négligeable de quitter le travail à 55 ans. Mais encore faut-il savoir avec quels moyens ! Par exemple, récemment, une employée SNCF du service commercial d'une grande gare parisienne arrivant à l'âge de la retraite et dont le salaire en fin de carrière s'élève, en comptant large, à un peu plus de 1000 euros (environ 7 000 F) a demandé à ne pas partir en retraite tout de suite compte tenu de la faiblesse du montant de la pension à laquelle elle a droit. La SNCF a refusé !

Embauches précoces...

Il faut savoir que le montant de la retraite des cheminots est calculé sur la rémunération de base des six derniers mois et est proportionnel au nombre d'années travaillées à la SNCF. Pour avoir une retraite à taux plein, il faut donc avoir cotisé 37 ans et demi, c'est-à-dire avoir été embauché à 17 ans et demi pour ceux qui partent à 55 ans ou à... 12 ans et demi pour ceux qui partiraient à 50 ans !

Autant dire que les départs à 50 ou 55 ans s'accompagnent d'une baisse très importante des revenus et donc du niveau de vie, comme c'est le cas pour l'immense majorité des salariés. La plupart des cheminots partent à 55 ans avec une petite retraite, souvent réduite au minimum de pension dont le montant forfaitaire correspond, à l'heure actuelle, à peu près au Smic, et à condition d'avoir fait au moins 25 ans à la SNCF. Seules les années passées à la SNCF sont prises en compte, celles travaillées dans une entreprise privée par exemple, avant l'embauche à la SNCF, sont décomptées séparément, à partir de 60 ans seulement, dans le cadre du régime général.

Un ouvrier SNCF travaillant dans les fosses pour opérer sous les rames les visites nécessaires à l'entretien gagne aujourd'hui, avec 29 ans d'ancienneté, 1 500 euros net en bas de la feuille de paie. Entré à la SNCF à 19 ans et demi, il partira bien à 55 ans, mais avec seulement 35 ans d'ancienneté et une pension qui sera donc loin d'être à taux plein. Un autre ouvrier opérant les visites des rames sur un triage de la banlieue parisienne, entré à 20 ans à la SNCF et ayant 32 ans d'ancienneté aux chemins de fer, reçoit un salaire d'environ 1500 à 1650 euros net, selon les mois. Il partira à la retraite avec 34 ans d'ancienneté et lui aussi sans avoir la retraite à taux plein. Et l'un et l'autre devront se contenter d'une retraite mensuelle tournant aux environs de 1000 euros. Autre exemple, un ouvrier professionnel technicien, faisant de la maintenance sur des rames voyageurs classiques, qui part à 55 ans avec 36 ans et demi de cotisation reçoit une retraite nette de 1 320 euros.

Les primes ne comptent pas

Dans le calcul des retraites, n'entrent pas bien des primes qui sont très nombreuses. Par exemple, une partie du salaire appelée indemnité de résidence (5 % du traitement en région parisienne) n'est pas prise en compte. Les primes liées au travail de nuit, des dimanches et jours fériés, aux astreintes, etc., ne comptent pas non plus dans le calcul des retraites. Il n'existe pas non plus de retraite complémentaire.

Quant aux agents de conduite qui seraient les privilégiés des privilégiés des cheminots, ils sont en effet mieux lotis... à condition d'accepter d'embaucher à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, à condition de dormir à des dizaines ou des centaines de kilomètres de chez eux plusieurs fois par semaine, de mener une vie complètement déréglée pour ce qui est des conducteurs de grandes lignes et en particulier de TGV. Un conducteur de TGV peut alors partir à 50 ans avec une retraite au minimum de 1 500 euros (ce qui n'est tout de même pas mirobolant), à condition qu'il ait au moins 25 ans d'ancienneté et qu'il ait fait vingt ans de conduite. Pour avoir une retraite d'environ 2 200 euros, ce qui est le maximum qu'il puisse atteindre, il lui faudra avoir fait au moins 30 ans de conduite. Sans compter qu'il ne s'agit là que de quelques centaines de conducteurs de TGV parmi les 18 000 roulants sur les 180 000 cheminots de la SNCF...

Il n'y a pas que les cheminots

Et puis la SNCF fait également travailler environ 8 000 ouvriers et employés, à temps complet ou partiel, qui n'ont pas le statut de cheminots. Eux partent à soixante ans et doivent avoir cotisé 40 ans pour toucher la retraite à taux plein. Sur les triages de la région parisienne, il s'agit par exemple d'ouvriers marocains ou espagnols qui font les 3x8 toute l'année et arpentent les voies et les trains par tous les temps pour un salaire guère plus élevé que le Smic. Enfin, il y a tous ceux qui travaillent dans les gares, dans les trains, dans les ateliers, etc., pour la SNCF et qui sont salariés d'entreprises de nettoyage, de services divers, depuis les bagagistes jusqu'aux vendeurs de boissons et de sandwichs dans les trains. Qu'ils soient employés par des filiales de la SNCF ou par des entreprises privées, concessionnaires de tels ou tels travaux, ces travailleurs sont au régime général des retraites.

Ainsi, non seulement le système de retraite cheminots ne concerne pas tous les employés du chemin de fer mais encore, la plupart des 180 000 cheminots ne sont pas en situation de toucher une retraite à taux plein lorsqu'ils arrêtent de travailler. Et sur la base des salaires pratiqués par la SNCF, cela signifie qu'ils ne touchent le plus souvent qu'une retraite très modeste.

Raison de plus pour ne pas laisser rogner le système actuel. Ce qu'il faut, au contraire, c'est que l'ensemble des cheminots avec tous les autres salariés, des secteurs publics et du secteur privé, unissent leur mécontentement et leur force pour imposer que la durée de cotisation soit de 37 ans et demi pour tout le monde, mais aussi que les salaires et les pensions soient augmentés de façon importante.

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