La flambée des stock-options22/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1680.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

La flambée des stock-options

La France est devenue le paradis des stock-options. Selon l'enquête annuelle de L'Expansion, "la machine française à fabriquer des millionnaires s'emballe" et la France est maintenant "en tête des pays européens où l'on peut faire fortune" grâce à ce système.

Les bénéficiaires de cette manne sont une poignée de patrons et de très hauts cadres des grandes entreprises : pas étonnant puisqu'ils s'attribuent eux-mêmes les stock-options. Le principe est le suivant : au bout d'un délai, généralement de trois à cinq ans, le détenteur de stock-options peut acheter les actions au prix fixé à l'avance et les revendre au cours du jour en empochant ainsi la différence, sans avoir courru aucun risque.

Actuellement, 34 500 privilégiés, soit 1 % des salariés des sociétés du CAC 40 (les 40 plus grosses sociétés cotées en Bourse), sont à la tête d'une plus-value potentielle de 83,7 milliards de francs, une augmentation de 84,5 % en un an. Quelques patrons encaissent la part du lion. Bébéar, le patron d'Axa, qui était jusque-là le seul chef d'entreprise à dépasser personnellement le milliard de francs, est maintenant rejoint par d'autres chefs d'entreprise. Par ailleurs, la télévision n'offre pas à ses dirigeants que des satisfactions d'ordre culturel : les onze dirigeants de TF1 se partagent par exemple 1,28 milliard de francs : ce ne sont pas vraiment "les misérables" qu'ils programment en ce moment.

Comme le système a pris son essor il y a quelques années, beaucoup de détenteurs de stock-options commencent seulement maintenant à empocher une partie de leur plus-value "potentielle". Bilan : 16,9 milliards de francs ont été encaissés cette année, contre 3,8 l'an passé. Tout cela donne une idée de l'enrichissement de la bourgeoisie capitaliste, que ce soit pas le biais des stock-options ou par d'autres. La flambée du prix des appartement de luxe parisiens leur doit sans doute quelque chose. Le secteur des bateaux de luxe aussi, par exemple, connaît la ruée.

Si les stock-options connaissent un tel succès chez les capitalistes, c'est tout d'abord grâce au cours de la Bourse (+ 40 % en un an). Mais il y a aussi la fiscalité avantageuse des stock-options. Les gains, au lieu d'être taxés comme les revenus (à 54 %), ne le sont qu'à 40 %. Et encore, le projet Fabius adopté en avril dernier a baissé à 26 % le taux d'imposition dans certains cas. Pas étonnant que la France soit devenue, après les Etats-Unis, la "patrie des stock-options".

Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi et possesseur de 500 millions de francs de plus-value potentielle, dit dans son livre récent : "Est-ce que je "vaux" cette somme ? Je demande à n'être jugé que sur le critère qui correspond au sujet, c'est-à-dire sur la part que représentent mes gains par rapport à ceux réalisés par les actionnaires pendant cette même période(þ) Je ne reconnais qu'aux actionnaires le droit de répondre." Il s'agit d'une définition cynique mais finalement très juste de la "démocratie" sous le capitalisme : le droit des capitalistes de se contrôler mutuellement sur le partage de la plus-value tirée de l'exploitation.

Il est sûr qu'avec un tel tribunal, il ne risque pas grand-chose. Il en irait autrement, s'il s'agissait par exemple des cheminots du "train des Pignes", de Nice à Digne, salariés de la CFTA, filiale de Vivendi, en grève depuis un mois sur les 35 heures, ou bien des consommateurs de l'eau distribuée par Vivendi qui ont vu leur facture d'eau doubler depuis quelques années. Tous ceux-là auraient sans doute un autre avis sur la question.

Partager