Australie : Entre monarchie d'hier et politiciens d'aujourd'hui !12/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1635.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Australie : Entre monarchie d'hier et politiciens d'aujourd'hui !

La presse a souligné l'attachement à la monarchie dont la population australienne aurait fait preuve, selon elle, en votant à 54 % contre une réforme constitutionnelle qui aurait retiré à la reine d'Angleterre son titre (largement honorifique) de reine d'Australie.

L'Australie est en effet, avec le Canada et la Nouvelle-Zélande, l'un des quinze pays, sur la cinquantaine que compte le Commonwealth, qui reconnaissent encore la souveraine britannique comme leur propre chef d'Etat. Mais de là à dire que les monarques anglais y soient bien vus, c'est une autre affaire.

La première fois qu'un membre de la famille royale britannique vint en Australie, en 1867, soit un siècle après que les Anglais y ont pris pied, ce fut un désastre. Le prince Albert, deuxième fils de la reine Victoria, fut blessé par balles par un certain O'Farrell, l'un de ces milliers de nationalistes irlandais dont l'Etat britannique avait cru se débarrasser en les déportant en Australie. C'était d'ailleurs les mêmes déportés irlandais qui avaient été à l'origine de la révolte des mineurs de Nouvelle-Galles-du-Sud quelques années auparavant.

La famille royale britannique tira les leçons de cet incident. Il fallut près d'un siècle avant que l'un de ses membres se risque de nouveau en Australie, en 1954. Cette fois, ce fut la présente reine d'Angleterre qui alla au charbon, ce qui lui valut de subir l'affront de violentes manifestations de protestation de la part des mineurs et dockers australiens, en particulier - manifestations qui se répètent invariablement lors de chaque visite officielle.

Aujourd'hui, la monarchie anglaise n'est plus, pour l'essentiel, qu'un oripeau symbolique, en Australie comme en Grande-Bretagne d'ailleurs. Mais aux yeux de bien des Australiens, à gauche en particulier, sa survivance n'est qu'un instrument de plus aux mains du Parti Libéral, le principal parti de droite, aujourd'hui dirigé par le Premier ministre John Howard. Il ne faut pas remonter bien loin, d'ailleurs, pour en trouver une illustration. En 1975, par exemple, le gouverneur général d'Australie (nommé par la reine d'Angleterre) fut invité à arbitrer un conflit entre le Sénat, à majorité libérale, et le gouvernement travailliste, à propos d'une augmentation des dépenses publiques. Le gouverneur de Sa Majesté trancha en ordonnant la dissolution du Parlement, ouvrant ainsi huit années d'austérité sous direction libérale.

Depuis plusieurs années, les sondages indiquent qu'une forte majorité de la population est favorable à en finir une fois pour toutes avec ce cordon ombilical suranné qui relie l'Australie à la Grande-Bretagne. A la veille même du présent référendum, 70 % des sondés se prononçaient dans ce sens.

Pourquoi alors cette victoire, pas bien glorieuse d'ailleurs, des " monarchistes " ? Tout simplement parce que la question posée n'était pas de savoir si l'électorat était pour l'abolition de la monarchie, mais si elle était pour son remplacement par un président de la République élu par un collège formé du Parlement et du Sénat.

Or, après 12 années ininterrompues d'austérité sous direction travailliste, de 1983 à 1996, puis depuis sous direction libérale, le tout entrecoupé d'une longue série de scandales de corruption, les professionnels de la politique n'ont jamais eu aussi peu de crédit dans l'électorat. Et cela a donné du poids à ceux qui s'opposaient à l'idée d'une République des politiciens, qu'ils soient de droite, comme le Parti Libéral, ou de gauche, comme toute une aile du mouvement syndical appuyée par l'extrême gauche, qui ont appelé à voter non. Précisons que, le vote étant obligatoire en Australie, les électeurs n'avaient pas même le choix de voter avec leurs pieds.

Autant dire que, comme c'est en général le cas de tels référendums prétendument démocratiques, le résultat de celui-ci ne signifie rien, et en tout cas pas ce qu'on lui fait dire.

Partager